Les commémorations aident les victimes d’attentat à se sentir reconnues


Les commémorations permettent de rappeler que les valeurs démocratiques attaquées par les terroristes restent intactes et défendues.

Patrick Clervoy

  • Médecin psychiatre spécialiste du stress et du traumatisme psychique
Patrick Clervoy

À quels symptômes les victimes d’attentats terroristes sont-elles confrontées ?

Lorsqu’une personne est exposée à un stress intense, comme un attentat, son cerveau enregistre chaque détail de la scène de manière anormalement précise.

Par la suite, le moindre stimulus – un klaxon, une porte qui claque – peut raviver le souvenir traumatique avec une intensité émotionnelle intacte. C’est ce qu’on appelle un « trouble du stress post-traumatique ».

Les victimes d’attaques terroristes, blessées ou non, sont profondément marquées par l’évènement. Les blessures psychiques ne doivent être ni minimisées, ni mises en doute, sous prétexte qu’elles sont invisibles.

Comment les victimes peuvent-elles demander un soutien psychologique ?

Après un attentat, des cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) sont immédiatement mises en place. Elles offrent une aide gratuite aux victimes et aux témoins.

Un premier contact avec un psychologue permet d’évaluer les besoins et de proposer une orientation vers des structures adaptées.

Il existe une CUMP par département, rattachée au SAMU et joignable en composant le 15 (depuis un téléphone fixe) ou au le 112 (depuis un téléphone portable).

Si une personne ressent le besoin d’un suivi plus long, elle peut se tourner vers des centres spécialisés ou des psychiatres libéraux. Depuis 2015, les consultations pour les victimes d’attentats sont intégralement prises en charge par la sécurité sociale.

Pour obtenir une attestation de prise en charge, il faut se rapprocher du correspondant « acte de terrorisme » de sa caisse d’assurance maladie, appeler le 0811 365 364 (de 8 heures 30 à 17 heures) ou envoyer un courriel à l’adresse suivante : [email protected]

Je pense par exemple à SOS Attentats, que l’on doit à Françoise Rudetzki, militante française pour la défense du droit des victimes du terrorisme. L’association dispose de répertoires de professionnels spécialisés et peut orienter les victimes vers le bon interlocuteur.

Elle les soutient aussi dans leurs formalités administratives et juridiques et offre une aide financière à ceux qui en ont besoin, en attendant l’indemnisation par les assurances.

Comment se déroule leur prise en charge psychologique ?

Dans les heures qui suivent un attentat, l’urgence est d’atténuer l’intensité des symptômes de stress aigu, afin d’éviter que la peur ne prenne trop de place dans la mémoire par la suite. C’est le « désamorçage ».

Ensuite, il faut aider les victimes à mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu en échangeant avec d’autres rescapés ou avec des psychologues.

Cette reconstruction narrative est essentielle : elle permet d’éviter que l’attentat ne reste un événement confus et incontrôlable dans leur esprit. C’est le « débriefing psychologique ».

Il faut ensuite apprendre à gérer les émotions liées à l’événement. C’est un processus de reconstruction à long terme, souvent difficile.

Certaines victimes ont du mal à reprendre le cours de leur vie et développent ce que j’ai appelé le « syndrome de Lazare » : la vie continue après le drame, mais leur existence a été bouleversée. Elles se sentent parfois incomprises, isolées, constamment menacées, et peinent à retrouver leur place dans la société.

Que faut-il faire, alors, pour accompagner les victimes dans leur processus de reconstruction ?

C’est pour cela que les commémorations ont une importance capitale : elles leur permettent de se sentir reconnues. Voir que la société se souvient, que leurs souffrances sont prises en compte, c’est essentiel pour leur reconstruction.

Organiser des cérémonies, inaugurer des monuments tels que la statue-fontaine « Parole portée à la mémoire des victimes du terrorisme » ou attribuer des distinctions comme la médaille des victimes du terrorisme, c’est montrer que l’on reste solidaire.

Un attentat est aussi un traumatisme collectif. Ces cérémonies offrent à la société l’occasion de donner du sens à ces événements tragiques.

Quelque part, chaque victime d’attentat l’a été parce qu’elle portait sur elle nos valeurs démocratiques. Les commémorations permettent donc de rappeler que les valeurs attaquées par les terroristes restent intactes et défendues.



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