Nadia Léger : qui était-elle ? Sa vie en 2 minutes


Nadia Léger en bref

Si son nom fut longtemps oublié au seul profit de son célèbre mari Fernand, Nadia Léger (1904–1982) fut pourtant une grande artiste dont le style oscille entre réalisme socialiste, cubisme et suprématisme. Immigrée russe, résistante durant la Seconde Guerre mondiale, Nadia fut jusqu’à sa mort une stalinienne convaincue et une fervente militante communiste, aveugle aux atrocités du régime. Autrice d’une œuvre riche et variée, d’une extraordinaire modernité, Nadia Léger a su tout au long de sa vie expérimenter et se réinventer, guidée par une formidable liberté de création.

Nadia Léger, Autoportrait. Le Serment d’une résistante

Nadia Léger, Autoportrait. Le Serment d’une résistante, 1941

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Elle a dit

« L’important n’est pas ce qu’on a fait, mais ce qui reste à faire. Rien n’est fini. »

La vie de Nadia Léger en quelques dates

Une enfance modeste en Biélorussie

Née dans le village d’Ossetishchi (Empire russe), dans l’actuelle Biélorussie, Nadia Khodossiévitch est d’origine très modeste et passe toute son enfance à Zembin, une bourgade rurale près de Minsk, avec ses six frères et sœurs. Son enfance est marquée par la misère, la Première Guerre mondiale et la révolution d’Octobre, qui éclate alors qu’elle n’a que 13 ans.

Au cœur des avant-gardes

Douée pour les arts, notamment le dessin, elle rejoint, contre l’avis de ses parents, les Ateliers nationaux des beaux-arts de Smolensk, accessibles, depuis la création des Soviets, aux plus démunis. Elle y croise les précurseurs ukrainiens et polonais de l’abstraction, et surtout rencontre Kasimir Malevitch, qui dispense quelques cours. Le chef de file du suprématisme exerce une véritable fascination auprès de Nadia, qui réalise alors ses premières œuvres cubo-suprématistes.

À Paris, dans l’académie de Fernand Léger et d’Amédée Ozenfant

Si la révolution lui permet de peindre, elle ne lui permet pas de se nourrir et de se loger décemment. Mais rien n’entame ses convictions, et Nadia Léger entend prendre part aux avant-gardes parisiennes. Avant de rejoindre la capitale française, elle embarque pour Varsovie, où elle croise le jeune artiste Stanisław Grabowski, qu’elle épousera et avec qui elle rejoint le groupe Blok composé de cubistes, de suprématistes et de constructivistes. Enfin, le couple atteint Paris en décembre 1924, et s’inscrit à l’Académie Moderne de Fernand Léger et Amédée Ozenfant. Nadia se lie à l’avant-garde parisienne (Vassily Kandinsky, Piet Mondrian, Jean Arp, etc.), dont l’influence se ressent dans son œuvre. Nadia s’inspire du cubisme, s’intéresse ensuite au purisme puis devient finalement adepte du biomorphisme.

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Fernand Léger, une liaison artistique et passionnelle

Très vite, après avoir été son élève et être devenue sa compagne en 1928 (il est alors âgé de 47 ans), elle devient en 1934 l’assistante et la muse de Fernand Léger, à qui elle vouera le reste de sa vie. Dès lors, elle expose aux côtés des plus grands artistes de l’avant-garde et renoue avec la scène polonaise. Elle crée avec le poète Jan Brzękowski la revue franco-polonaise L’Art contemporain/Sztuka Współczesna. Tandis que son œuvre picturale emprunte largement à l’esthétique de Léger – ses cernes noirs, ses couleurs vives et ses formes tubulaires et biomorphiques – pour les appliquer à des natures mortes, des portraits et des autoportraits.

Deux passions : l’art et le communisme

Fervente militante communiste, Nadia Léger réalise dès les années 1930 ses premières œuvres engagées. Aspirant à promouvoir le communisme à travers l’art, elle reprend de Fernand Léger son aptitude à reproduire le réel mais parvient à s’affranchir de son empreinte en appliquant les dogmes artistiques du réalisme socialiste. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate, Fernand s’exile aux États-Unis et Nadia s’engage dans la Résistance. L’art devient un moyen supplémentaire pour contester l’occupation. À la Libération, Nadia met son talent au service du Parti communiste français : elle embrasse le réalisme socialiste et signe des peintures monumentales de dirigeants soviétiques ou de résistants assassinés. Dans le même temps, elle ouvre à Paris avec Fernand le fameux Atelier Léger, qu’elle supervise.

Retour au suprématisme

En 1955, Fernand Léger s’éteint, laissant à Nadia le soin de gérer son œuvre. Elle mettra toute son énergie à conserver, promouvoir et valoriser le travail de celui qu’elle a tant admiré – en imaginant notamment un écrin à la mesure du génie du maître. Après trois ans de travaux, le musée Fernand-Léger est enfin inauguré à Biot en grande pompe, en présence de Marc Chagall, de Maurice Thorez et d’André Malraux. Dans un dernier sursaut, qui débute dans les années 1960, Nadia se réinvente encore, et développe, après 30 années passées à construire une œuvre réaliste, des compositions aux formes suprématistes, inspirées de ses carnets de jeunesse des années 1920. Nadia peindra inlassablement jusqu’à sa mort en 1982 : elle s’éteint à l’âge de 78 ans, dans sa propriété du château Bellevue, dans le sud de la France.

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Ses œuvres clés

Suprématisme

Nadia Léger, Vers la Terre

Nadia Léger, Vers la Terre, 1922–1970

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Huile sur toile • 116 × 148 cm • Coll. particulière • © Adagp, Paris 2024 / © brounch

Dans les années 1960, Nadia Léger rend hommage à celui qu’elle a tant admiré jeune, Kasimir Malevitch, à travers une série de peintures doublement datées, à 40 ans de distance. Des œuvres inspirées de compositions du fondateur du suprématisme, qui explorent le lien entre formes géométriques et énergie des couleurs.

Les Baigneuses, 1953

Nadia Khodossevitch-Léger, Les Baigneuses

Nadia Khodossevitch-Léger, Les Baigneuses, 1953

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Huile sur toile • 162 × 114 cm • Coll. particulière • © Adagp, Paris 2021 / Photos IMAV éditions

Le réalisme socialiste influence résolument ses œuvres, dévoilant des peintures de grand format d’une modernité puissante. Ces baigneuses athlétiques et fières, peintes dans un réalisme socialiste pur et digne des plus fameuses images de propagande soviétique, ne sont pas sans rappeler les contrastes puissants et le traitement géométrique des œuvres de Fernand Léger.

Lénine Aeroflot, 1970

Nadia Léger, Lénine Aeroflot

Nadia Léger, Lénine Aeroflot, Vers 1970

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Gouache sur carton et collage • 54 × 75 cm • Coll. particulière • © Adagp, Paris 2024 / Photo IMAV éditions

De Léon Tolstoï à Marc Chagall, en passant par Lénine, ces effigies de femmes et hommes politiques communistes, d’amis, d’intellectuels et écrivains russes, forment le panthéon personnel de Nadia Léger. Tous relèvent de la même esthétique avec leurs aplats abstraits colorés (orange, bleu, rouge ou jaune), pouvant rappeler le vocabulaire propagandiste du Parti communiste autant que le suprématisme. Avec ce portrait de Lénine en majesté, l’artiste affirme ses convictions politiques et son adhésion à l’idéologie communiste et soviétique. Presque tous ces portraits seront traduits en mosaïques monumentales. Un dernier geste artistique de Nadia qui fait écho à l’art mural voulu par Fernand Léger…



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