Le destin hors norme de Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, critique d’art…


Carmen l’a rendu célèbre. La Vénus d’Ille, nouvelle fantastique, c’est aussi lui. On lui doit encore la fameuse dictée qui fait transpirer les collégiens… Les professionnels de l’histoire de l’art sont aussi familiers de son nom grâce à la fameuse base de données qui recense les monuments historiques en France : c’est Mérimée !

Prosper Mérimée (1803–1870) est un grand homme du XIXe siècle. Il a été dramaturge et écrivain, mais aussi historien, archéologue, inspecteur des monuments historiques, critique d’art, et plus tard académicien et sénateur…

Prosper Mérimée, La Vénus d’Ille

Prosper Mérimée, La Vénus d’Ille

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gouache • 32 × 27 cm • Coll; Fondation Marcello • © Rmn – Grand Palais presse (domaine de Compiègne) / Stéphane Maréchalle

Sa vie se raconte à livre ouvert et en images dans une vaste exposition au château de Compiègne, lieu de prédilection du couple Napoléon III et Eugénie, où Mérimée, nommé sénateur sous le Second Empire en 1853, avait son rond de serviette. Notamment lors des « séries », les fêtes impériales, faites de chasses, d’excursions, de jeux, bals, concerts et pièces de théâtre, organisées en automne durant toute une semaine… Les grands appartements du château de Compiègne offrent le parfait écrin pour dérouler la personnalité fascinante de Prosper Mérimée. Elle s’admire au travers de 250 œuvres et documents, choisis par le commissaire d’exposition Rodolphe Rapetti, qui a voulu mettre en exergue « l’œil de Mérimée »

Il a longuement hésité à devenir peintre

« Prosper Mérimée, écrit-il dans le catalogue de l’événement, a longuement hésité à devenir peintre avant de se tourner vers la littérature. Son attrait irrépressible pour la peinture, cultivé sa vie durant en amateur mais connue intimement dès son plus jeune âge, a produit ce qui demeure comme l’une des œuvres littéraires les plus originales et, en dépit d’une apparente dispersion, les plus cohérentes de l’histoire. »

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Achille Poirot, Vue de l’Hôtel de Cluny côté jardin

Achille Poirot, Vue de l’Hôtel de Cluny côté jardin, 1850

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huile sur toile • 47 × 39 cm • Coll. musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, Paris • © Rmn – Grand Palais presse / Jean-Gilles Berizzi

C’est lui qui va confier à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc la charge de restaurer des édifices en péril sur notre territoire.

L’art jalonne en effet toute la vie de Mérimée. Né dans un milieu bourgeois et artistique – son père est professeur de dessin, sa mère portraitiste –, il poursuit des études de droit avant de se tourner vers la littérature. Ami de Stendhal, cet érudit a multiplié les poèmes, récits historiques, nouvelles et pièces de théâtre, un genre qu’il renouvelle avec le style « tragi-comique », notamment par le Théâtre de Clara Gazul, comédienne espagnole (1825), mêlant la tragédie et la comédie qui, longtemps, étaient distincts. À 41 ans, fort de son œuvre, il entrera à l’Académie française.

Protecteur du patrimoine et critique d’art

Mais avant cela, cette plume a aussi mené une brillante carrière dans le patrimoine. En 1834, sous Louis-Philippe, l’historien et archéologue est nommé inspecteur général des monuments historiques, poste qu’il occupera jusqu’en 1860, non sans laisser son empreinte. Car il contribue fortement à la structuration de la démarche d’inventaire et de classement des édifices sur des critères historiques et architecturaux, puis œuvre en faveur de l’attribution de crédits pour leur préservation. En 1840, la commission qu’il préside publie une liste de 1082 sites préhistoriques, antiques et médiévaux, édifices religieux et objets remarquables français — une première dans l’histoire de la conservation ! C’est encore lui qui va confier à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc la charge de restaurer des édifices en péril sur notre territoire, comme la cathédrale de Laon.

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Prosper Mérimée, Rue à Pompéi, passant sous un portique

Prosper Mérimée, Rue à Pompéi, passant sous un portique

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gouache et aquarelle • 18,5 × 27,5 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © Rmn – Grand Palais presse / Michel Urtado

Ruines romaines, vestiges mérovingiens… Mérimée est de tous les chantiers. Dans le parcours de l’expo, une huile représentant l’hôtel de Cluny à Paris et un bronze figurant Mercure, donné au musée en 1859, nous rappelle aussi que Mérimée en fut l’énergique directeur.

Édouard Picot, Épisode de la peste de Florence

Édouard Picot, Épisode de la peste de Florence, 1839

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huile sur toile • 235 × 180 cm • Coll. musée des Beaux-Arts de Grenoble • © ville de Grenoble / musée de Grenoble / J.L. Lacroix

De Delacroix à Victor Hugo, tout le cercle amical de l’artiste s’est donné rendez-vous dans les salons du château de Compiègne. Les femmes de sa vie, ses muses, planent aussi sur le parcours. Une large section est consacrée au succès de Carmen, qui inspirera les artistes jusqu’à Pablo Picasso ou Christian Lacroix, dont on admire des costumes pour l’opéra de Georges Bizet créé en 1875.

Féru d’art, l’écrivain était aussi un critique sagace. Ce que nous brosse l’exposition en réunissant des œuvres présentées aux Salons de 1839 et de 1853, des toiles d’Ary Scheffer, François Édouard Picot, Alexandre-Gabriel Decamps, passées par l’œil impitoyable de Mérimée. Pas toujours tendre, à l’instar du jugement qu’il porte sur les toiles de François-Auguste Biard, peintre de genre : « Tout est uniformément soigné et léché, pour me servir de ce terme vulgaire. »



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