Condition de test : effectué à partir d’un code éditeur sur PlayStation 5, au départ avec un skill revenu proche du néant, en dehors de Ken le clodo.
Cette génération a eu énormément de mal à passer la seconde mais l’on pourra dire que pour ce qui concerne la scène de la baston, 2023 est l’année où les choses sérieuses débutent enfin, avec l’arrivée des trois licences les plus populaires du marché hors Smash (ouais, on se répète), donc Street Fighter 6, Mortal Kombat 1 et (normalement) Tekken 8. Chacun s’échauffe dans son coin et encore plus le bébé de Capcom devenu challenger à cause d’un certain Street Fighter V, suite d’un épisode qui était pourtant parvenu à pousser la franchise vers de nouveaux sommets, pour au final se retrouver avec une expérience fainéante sur le solo, sur le contenu en plus du coup de l’exclusivité pas vraiment justifiée pour un secteur qui a justement besoin de la plus grosse audience possible. Bref au final, des ventes inférieure à son principal concurrent chez Bandai Namco, Yoshinori Ono parti vers d’autres horizons avec sa valise et sa figurine Blanka, et le besoin tout simplement de proposer un nouveau départ.
Et c’est réussi, cela grâce à une volonté de mixer parfaitement l’accessibilité pour attirer un tout nouveau public, tout en poussant la profondeur à ceux qui voudront se consacrer pleinement à ce nouveau cru. Accessibilité déjà qui passera par le choix des armes en matière de configurations de boutons, où l’on retrouve forcément le format classique avec une touche par coups, mais désormais la possibilité d’avoir des commandes plus simples et davantage portée sur la puissance en plus d’une touche qui sortira les spéciaux sans avoir besoin d’enchaîner les diagonales. Oui, vous pourrez spammer les hadoken avec un seul bouton et détruire la majorité de l’IA en mode normal tout en fumant votre clope. Et ça fonctionne, je vous l’assure. Et pour ceux qui n’ont jamais touché à un Street de leur vie et même à un seul jeu de baston, on va jusqu’à vous offrir une troisième configuration qui permet de placer des combos avec une seule touche. On va dire que c’est pour l’amusement et ça n’ira pas plus loin que cela car autant être prévenu : quand vous abordez le online en classé, c’est la config classique et rien d’autre. Faut pas déconner non plus hein.
Yoshinori Ono le disait il y a un paquet d’années : le grand drame des jeux de baston, c’est qu’ils se sont de plus en plus complexifiés avec les générations, nécessairement pour gagner en profondeur, mais larguant en passant une bonne partie de ceux qui devaient prendre le train en marche. Street 6 voulait changer cela et ça aussi, il le fait surprenamment bien en exploitant la technique rodée mais pas toujours proposée du « facile à prendre en main, dur à maîtriser ». Car globalement, le nouveau système est parfaitement limpide, en tout cas davantage que certains jeux, et il n’y a que deux jauges à prendre en compte dont la « Super » très classique et sur 3 niveaux, vide en début de combat et se remplissant pour placer des attaques spéciales de Level 1, 2 ou 3. Comme d’habitude, certains miseront sur la rapidité et l’envie d’enchaîner les Level 1 tandis que d’autres préféreront l’économie pour placer un bon Level 3 au round final pour faire chialer l’opposant qui retournera s’encastrer le crâne dans son écran.
Le grand changement, c’est le système DRIVE symbolisé par une jauge de 6 cases remplies au début d’un affrontement, celui que chacun se devra se maîtriser pour espérer aller au-delà des tréfonds de la communauté en classé. Le DRIVE permet des actions spéciales au fil du match qui vont grignoter cette jauge, comme des déplacements très rapides, des équivalents d’attaques EX (les mêmes en plus puissantes) mais aussi énormément de choses basées sur la défense comme le Drive Impact qui est une puissante attaque pouvant absorber plusieurs coups adverses, mais qui peut-être contré si l’opposant lance l’équivalent 1/4 de seconde après vous, mais également le Drive Parry qui peut absolument tout contrer (sauf les choppes) ou, encore mieux, le Perfect Parry qui s’active avec une précision parfaite un peu comme ce que l’on voyait dans 3rd Strike. Et vous comprenez derrière tout cela que s’il est facile de se défendre ou de surprendre l’adversaire grâce à ces manipulations magiques, c’est l’économie qui prime : votre jauge DRIVE vidée (et elle se recharge TRÈS lentement), vous passez en mode Burnout et à la totale merci de celui d’en face qui, s’il est économe et talentueux, vous laissera dans le même état qu’un homme-soja face à Jon Jones.
Tout est heureusement là pour peaufiner notre skill car outre du Training, défis inclus, vraiment bien foutu, le menu standard offre toutes les bases du genre sans oubli : Versus local, tournoi avec ou sans règles, mode Extrême rigolo avec des délires comme un taureau qui traverse l’écran, et bien entendu un (vrai) mode Arcade avec scoring sous 5 ou 12 combats, stages bonus inclus. Rien qu’avec cela, cela montre que les bases sont respectées contrairement à Street V à l’époque, et cela devient un euphémisme en découvrant le Battle Hub online au maquillage unique, permettant de faire évoluer son avatar dans un Hub fait d’une centaine de joueurs où l’on pourra se poser devant une borne d’arcade en attendant une potentielle victime (ou faire la queue en réservant son tour devant deux occupés), et même aller s’éclater sur des bornes Final Fight, Street Fighter II et Super Puzzle II Turbo. Beaucoup de générosités, et aucun oubli, jusqu’au fait que l’on puisse laisser cela de coté pour un menu classique allant à l’essentiel, des classements séparés en fonction des combattants (idéal pour nous pousser à exploiter un peu d’autres que notre principal) et l’affichage du type de connexion des opposants (câble ou Wi-Fi).
Mais tout n’est pas sans défaut dans cette nouvelle occasion d’en découdre et le premier problème va se trouver dans le casting. Oh non pas dans les possibilités tant tout est peaufiné jusqu’aux bouts des ongles et que l’on prend plaisir à retrouver les 8 persos d’origine avec quelques petites différences bienvenues, 4 autres piochés de part et d’autres de la saga, dont Luke qui trône sur la jaquette, et enfin 6 nouveaux, soit un tiers de neuf, un bon ratio pour débuter le roster qui gonflera au fil des mois et années. Bon évidemment, certains tireront un peu la gueule car machin ou truc ne sont pas présents pendant que les fans d’Akuma continueront de comprendre qu’à l’instar de Broly, le mec a un tatouage DLC fait au fer rouge. On pourra en revanche s’attrister de l’absence des 4 boss iconiques, avec déjà cette odeur d’annonce d’un Pass « Shadoloo » un jour ou l’autre.
Ce que je reprocherais surtout et c’est totalement personnel mais en même temps, c’est mon avis, et je suis persuadé que je ne serais pas le seul de ce coté de la barre, c’est le chara-design très particulier de cet épisode, et au résultat très aléatoire. Cammy et Ryu sauvent l’honneur (contrairement à Ken devenu un mélange entre un Reedus et un clodo blond) tandis que Chun-Li reste Chun-Li, tout comme Zangief, mais on continuera d’avoir du mal avec Luke, quand même représentant de la pseudo nouvelle génération. Le pire reste les nouveaux, et tant pis si j’ouvre un débat inutile. Tout comme Kimberly, Lily est dans le thème esthétique mais on ne ressent aucun génie (elle reste néanmoins redoutable entre les mains d’un pro). Jamie avec son style alcoolique a un look de Yaoi, et JP, le nouveau « boss » est certes surpuissant mais on ne comprend pas pourquoi il semble sorti d’une production SNK. La frenchie Manon est horrible avec ses jambes de 8 mètres mais tout selon n’est rien à coté de Marisa, le scandale de cet épisode. On n’a rien contre les femmes fortes, mêmes dotées de quelques biceps, mais à ce niveau, on a l’impression que ce truc est sorti d’un jeu de baston nanar de l’époque PS1/PS2. Même Killer Instinct n’aurait pas osé une telle diablerie.
On pourrait en rester là qu’on obtiendrait un bien meilleur résultat que celui de Street Fighter V à son lancement, mais Capcom réservait un bonus connu de tous tant une bonne partie de la promotion s’est faite à ce sujet : le fameux mode World Tour. Alors déjà on peut féliciter l’éditeur d’avoir proposé le mode solo le plus ambitieux de l’histoire de la franchise, et même l’un des plus importants dans le domaine de la baston (seul NetherRealm fait réellement mieux), où l’on va créer notre avatar généralement moche pour partir comme le nom l’indique faire « un tour du monde », du moins sur le papier car en réalité, on a surtout deux réelles zones à visiter librement, le reste n’étant que l’objet de cinématiques avec juste l’arène de combat dédié. Un avatar qui va gagner en expérience, pouvoir s’acheter des tenues pour booster ses stats, et surtout progresser dans un scénario très minimaliste en rencontrant sur le chemin les différents protagonistes phares du casting pour apprendre leurs coups et se constituer son propre moveset.
Disons les choses clairement : c’est moyen. Ouais, tout ça pour ça. C’est moyen car visuellement, c’est très bancal en plus d’avoir un frame-rate instable mais heureusement pas si dramatique en mode Performance (qui a eu l’idée de proposer un mode Qualité en 30FPS dans un jeu de baston, je vous le demande). L’ambiance pourra plaire à « un certain public » tandis que personnellement, j’ai trouvé ça cringe dans ce mélange paillettes/hip-hop façon jeu de bagnole moderne, et il faut également bien avouer que derrière toutes ces bonnes intentions, non seulement l’exécution est vieillotte (on dirait du Like a Dragon à pas cher, mais vraiment pas cher du tout) avec peu de variété sur la longueur, mais en plus, tout part quand même d’une fausse bonne idée : il n’y a rien de pire dans le domaine que de laisser le grand public jouer des heures avec un avatar au custom moveset, en plus d’objets bonus à stats, lui offrant de mauvais réflexes quand il se décidera à devoir prendre un perso « normal » le jour où il abordera le « vrai jeu ». Il aurait été préférable de laisser tomber le coté « maîtres & apprentissage » pour sélectionner un membre du casting et permettre ainsi à ceux qui détestent les tutos classiques de maîtriser leur favori en s’amusant.