Boulangerie Snacking Baland, Auch (32), un concept où il fait Bio mais pas beau


La meilleure façon pour saisir les aspirations profondes et les intentions des individus serait de pénétrer dans leur jardin secret. En effet, on découvrirait quelles merveilleuses plantes y fleurissent, ou à l’inverse face à quel désert on doit faire face. A mon sens, il ne suffit pas d’être brillant dans la sphère publique ou dans les affaires : c’est en ayant plus de profondeur et des intérêts variés, une réelle ouverture au monde, que l’on est à même de créer de la valeur aussi bien dans son métier qu’au service de la communauté qui nous entoure. Seulement, comme son nom l’indique, ce jardin reste… secret. Certains se livrent plus facilement que d’autres, et il faut parfois se contenter de quelques indices diffusés au fil du temps, plus ou moins volontairement. Ils peuvent aussi bien se trouver dans la façon de construire des projets ou de concevoir des produits, oeuvres ou autres créations de l’esprit : ce processus nécessite forcément de mettre dedans une grande part de soi, qui finit par être parlante.

De l’extérieur, la boulangerie snacking Baland reprend la plupart des codes développés par les enseignes de restauration rapide. Installée dans une zone commerciale fraichement sortie de terre, elle ne dénote pas de cet environnement froid et sans vie.

Le problème est que cela reste une question d’interprétation. Ainsi, en découvrant le concept de Boulangerie Snacking Bio Baland à Auch (32), j’ai eu le net sentiment que ses fondateurs étaient des fans inconditionnels de Casimir. Il faut dire qu’une telle accumulation d’engagements visant à rendre l’enseigne « vertueuse » et positionnée sur un segment haut de gamme finit par ressembler à un gigantesque Gloubiboulga, dont le caractère écoeurant n’est plus à prouver. Produits faits maison 100% Bio, matières premières locales quand c’est possible, cuisson au four à bois, pains au levain naturel… le tout dans un écrin ressemblant plus à une enseigne de restauration rapide qu’à une boulangerie, positionné de plus sur un emplacement habituellement occupé par des enseignes de type Marie Blachère ou Ange, dans une zone commerciale en périphérie.

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Sur une plaque disposée à l’extérieur, le visiteur est accueilli par les « engagements » de l’enseigne. Seulement voilà, plusieurs d’entre eux ne sont pas respectés : j’aimerais bien que l’on me prouve qu’un seul grain de blé « ancien » rentre dans la composition des pains façonnés ici, et que la farine est « meulée sur pierre ici ». Dommage que les instances protégeant les consommateurs ne s’y soient pas intéressé.

Sur le papier, l’histoire était séduisante. Karine et Cyril Baland ne sont pas des novices du Bio : ces cuisiniers-pâtissiers de formation ont entrepris plusieurs fois avec succès sur ce segment, d’abord avec Bio Par Coeur (plats cuisinés, conserves, pizzas) en 2007 à Seissan, cédé en 2010 au Léa Nature, puis avec BC Bio (marque les P’tits chefs du Bio) en 2011 à Auch, revendu en 2017 au groupe Nutrition et santé (Céréal, Gerblé, Soy…). Forts de ces expériences et d’un ancrage familial dans la boulangerie (oui, Karine Baland avait un père boulanger, ce qui l’a toujours fait rêver de mettre un jour les mains dans la farine, bien sûr), ils se sont lancés en 2018 dans une nouvelle aventure : un enseigne portant leur nom, toujours sur les terres qui ont connu leurs succès. Les investissements consentis ne sont pas négligeables : plus d’1,3 millions d’euros, notamment dans le laboratoire dédié à la préparation des pâtisseries et viennoiseries.

Dois-je en dire beaucoup sur cette baguette « de Tradition » ? Particulièrement blanche (aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur) et insipide, son visuel parle déjà beaucoup.

Seulement, on ne se décrète pas boulanger du jour au lendemain, car il faut maîtriser la gamme de produits autant que l’humain. Le choix d’un four à bois ne facilite rien, ce dernier étant plus exigeant et nécessitant de recruter des professionnels plus aguerris. Initialement, les entrepreneurs semblaient vouloir écraser leur farine sur place, comme en attestent plusieurs éléments de leur marketing et le moulin installé dans la salle de restauration. Une idée abandonnée, ou du moins mise de côté, puisque c’est aujourd’hui Gers Farine qui livre la matière première. On ne saurait s’en plaindre quand on constate le caractère plus que relatif de la qualité des pains : produits ternes, très pétris et peu hydratés, baguette de Tradition blanche et insipide, le tableau n’a rien de brillant.

Les pains, disposés en bout de comptoir et en dehors du flux naturel des clients. La boutique prévoyait une entrée dédiée à la boulangerie mais celle-ci semble en définitive réservée… à la sortie.

L’intégration de cette offre boulangère est d’ailleurs tout aussi peu réussie : disposée en bout de comptoir, elle fait plus office d’élément de différenciation marketing que d’activité réelle, tout comme le four à bois qui ne doit pas voir passer de gros volumes. Le couple Baland n’a, en définitive, pas changé de métier : la restauration reste le fer de lance du projet et cela se ressent dès l’entrée dans les lieux : vaste vitrine dédiée aux sandwiches et salades, descriptif proéminent de la gamme de burgers… ce sont d’ailleurs ces derniers qui attirent le plus la clientèle : l’expérience déculpabilisante d’un en-cas typiquement fast food certifié Bio est tellement tentante, et l’enseigne l’a bien compris en mettant en avant ce produit dans sa communication digitale.

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La grande salle de restauration avec le moulin en décoration (pas sûr que ce dernier ait vu passer beaucoup de grain…!). Sur le côté, on aperçoit au plafond des tamis à farine. Les concepteurs n’ont reculé devant aucun plaisir.

Le mélange des genres nuit particulièrement à la clarté du discours. Cette dernière serait déjà bien troublée si l’on en était restés là, mais Baland enfonce le clou en se positionnement également sur la pente glissante de la promotion permanente : 3 produits achetés, 1 offert pour les baguettes de Tradition ainsi que les viennoiseries, un mécanisme assez peu cohérent avec le discours qualitatif affiché par ailleurs. Cela n’est pas sans rappeler les pratiques de Feuillette, qui se veut « haut de gamme » tout en générant d’importants volumes grâce à ses méthodes commerciales.
Tout cela ne s’inscrit pas dans une logique cohérente et qui permette au consommateur de comprendre la juste valeur des choses : un produit, une démarche et un travail humain ne peuvent être offerts de cette manière.

Un croissant suintant le gras à tous points de vue : aussi bien en main qu’en bouche, sans la saveur agréable que peut avoir le beurre frais de qualité.

Bien sûr, cela s’applique seulement quand on considère que ce qu’on achète a de la valeur. En l’occurence, après avoir goûté un croissant suintant le beurre et sans aucune saveur (du beurre Bio de tourage en provenance de l’Europe de l’Est doit être utilisé, étant donné qu’il n’en existe pas en France, et malgré la certification je ne suis jamais parvenu à y sentir un quelconque goût !), j’avoue me dire qu’il vaut sans doute mieux les offrir. Même constat pour la pâtisserie qui, même si elle reste dans le domaine boulanger, se distingue surtout par le manque de soin porté à sa réalisation… chose qui se retrouve à la dégustation, notamment avec un flan à la texture granolo-acqueuse ou un canelé mou et pâteux, sans aucun craquant.

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Les sachets sont à l’image du concept : chargés en engagement et en communication.

Les Baland ne veulent pas rester les bras ballants : leur ambition est d’ouvrir au moins dix autres magasins sur le même modèle dans le Grand Sud-Ouest. Avant cela, je ne pourrais que leur conseiller de prendre quelques forces (surtout dans les bras, vous m’avez suivi), de renforcer les bases de leur concept et de donner plus d’importance aux éléments fondamentaux que sont le savoir-faire lié au pain ainsi que sa mise en avant. Le Bio mérite mieux que d’être utilisé comme un étendard affirmant naturellement une qualité supérieure. Pire, quand ce n’est pas le cas, ce sont tous les acteurs réellement engagés de la filière qui en pâtissent : les amalgames sont rapides. Espérons qu’à l’inverse, ces entrepreneurs prendront le temps de progresser. Sinon quoi ce serait ballot qu’on n’aille pas se balader chez Baland.

Les pâtisseries : si on apprécie leur caractère très boulanger, les éclairs grossiers séduisent beaucoup moins.

Infos pratiques

ZAE du Mouliot – Le Grand Chêne, 32000 Auch – tél : 05 62 63 69 32
ouvert tous les jours de 6h30 à 21h, jusqu’à 22h du jeudi au dimanche.

  • Un élément bien vu : la carte des producteurs locaux.
  • Les pâtisseries : si on apprécie leur caractère très boulanger, les éclairs grossiers séduisent beaucoup moins.
  • En plus de la vitrine froide, une autre est dédiée aux propositions « chaudes » : feuilletés, quiches, etc. Autant vous dire que l’ensemble finit par être salé, car ce dernier prend une place proéminente.
  • Dès l’entrée, le client est accueilli par une large vitrine snacking.
  • Sur les écrins à baguette, la cuisson au feu de bois est utilisée comme un argument marketing majeur. Encore faut-il que la qualité du produit soit au rendez-vous.
  • En faisant un peu de mauvais esprit (mais ce n’est pas le genre de la maison, vous commencez à le savoir), on pourrait dire que ce concept sonne un peu comme cette plante en plastique disposée dans les toilettes… faux.
  • Le four à bois Grand Mère est visible depuis la salle de restauration, derrière une grande baie vitrée.
  • Oubliez que nous sommes sensés être dans une boulangerie, à quoi cela vous fait-il penser ?



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