Madame la ministre, chère Jacqueline,
Monsieur le ministre, cher Joël,
Monsieur le Président, cher Michel,
Mesdames et messieurs les maires et élus des communes rurales,
La crise sanitaire, et sa deuxième vague, touche désormais toute la France, comme elle frappe toute l’Europe. Sa gravité nous a conduit à décider d’un nouveau confinement, certes adapté par rapport au premier, qui sera en vigueur au moins jusqu’au 1er décembre.
Ce confinement concerne toute la France car toute la France est, contrairement à la première vague, touchée. Je sais que la France rurale est moins concernée que les zones urbaines et qu’en conséquence les mesures décidées peuvent parfois y avoir été moins comprises. Je pense notamment à la fermeture des commerces autres que ceux de 1ère nécessité, mais également aux bars et aux restaurants qui sont souvent les seuls lieux de convivialité de nos villages. Vous aurez cependant noté que nous avons laissé ouverts les marchés de producteurs, si importants pour nos campagnes.
Mais la circulation virale est telle qu’elle ne nous permet plus une gestion territorialisée de la crise ; les premiers effets du confinement nous laissent entrevoir, si les données épidémiologiques constatées ces jours derniers se confirment, un allègement du confinement à l’horizon du 1er décembre prochain. Raison de plus pour ne pas baisser la garde et pour respecter strictement les règles du confinement et plus généralement les autres mesures de prévention.
Je sais pouvoir compter sur vous, Mesdames et Messieurs, pour appliquer, faire respecter et accompagner auprès de nos concitoyens ces mesures sanitaires indispensables.
Ce contexte difficile ne doit évidemment pas nous empêcher de continuer à travailler ensemble aux sujets de fond et de préparer l’avenir. Ce travail, vous le faites de manière continue avec Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, et j’ai souhaité qu’elle soit secondée par un secrétaire d’Etat pleinement dédié à la ruralité, en la personne de Joël Giraud.
Puis-je ajouter que vous avez de surcroît un Premier ministre à la ruralité, tant le maire rural, le conseiller départemental rural que j’étais il y a encore quatre mois est profondément attaché non seulement à la ruralité et à son cadre exceptionnel mais également aux valeurs qu’elle véhicule.
Oui, revendiquons-le : la ruralité est une chance pour la France. Et elle n’est pas seulement le socle de son histoire ; elle est une partie, j’en suis sûr, de son avenir. Si des générations de Français ont quitté un à un leur pays pour s’en aller gagner leur vie dans les villes et les zones urbaines, j’ai la conviction que les modes de vie, les aspirations de long terme vont conduire à un mouvement inverse, certes moins massif, mais inéluctable. Et je pense que la grave crise que nous traversons pourrait en accélérer la concrétisation. C’est bien un renversement de valeurs auquel nous assistons.
Encore faut-il que l’Etat, à la fois dans sa mission d’anticipation et dans son rôle de garant de la solidarité nationale et territoriale, prépare et facilite ces évolutions.
J’ai fait de la revitalisation des territoires, vous le savez, l’un des axes principaux de mon discours de politique générale prononcé devant le Parlement le 16 juillet dernier.
C’est dire combien je suis attaché à la mise en œuvre des mesures de l’agenda rural dont je me suis assuré de la concrétisation à la faveur du 2ème comité interministériel aux ruralité, que j’ai réuni en amont de ce congrès. Je ne vais pas en détailler devant vous tous les axes, mais je souhaiterais insister sur quelques éléments majeurs.
Je voudrais en premier lieu mettre l’accent sur cette évolution silencieuse que constitue pour la ruralité la couverture en très haut débit, à laquelle j’associe la résorption des zones blanches de téléphonie mobile. C’est un sujet essentiel. Ce sont les réseaux du 21ème siècle, à l’instar de ce que furent les réseaux routiers et ferroviaires au 19ème siècle et l’arrivée de la téléphonie fixe dans nos campagnes à partir des années 1950. Quand le très haut débit et la téléphonie mobile 4G, puis 5G, innerveront le monde rural, un obstacle majeur à l’installation d’entreprises, à l’arrivée de travailleurs qualifiés indépendants sera levé. C’est tout à fait essentiel et structurant.
L’Etat a engagé un plan très haut débit. Si les départements en sont généralement les maîtres d’ouvrage, l’Etat en est le principal financeur, avec un apport historique de 3,3 milliards sous ce quinquennat, abondé par des crédits européens. Le plan de relance nous permet de rajouter 240 millions d’euros au bénéfice de cette priorité politique pour en accélérer encore la mise en œuvre. Un investissement de cette ampleur est inédit et nous permet de démultiplier la couverture numérique du territoire. Nous avons comme objectif de permettre à tous les Français d’avoir un accès à internet par haut débit d’ici à fin 2020. Le très haut débit, lui sera accessible d’ici à 2022. Enfin, l’accès à internet par la fibre optique sera généralisé à l’horizon 2025. Ces trajectoires, et les moyens dévolus à leur atteinte, font de ce quinquennat le plus volontariste pour renforcer la couverture du territoire depuis des décennies. En zone d’initiative publique, qui concerne en premier lieu les territoires ruraux, au deuxième trimestre de 2020, ce sont 4,3 millions de locaux qui ont été raccordés au réseau FttH (contre 2,5 millions à la fin du deuxième trimestre de 2019, soit une hausse 72% en un an).
Le Gouvernement a ensuite pour objectif la généralisation de la 4G sur l’ensemble du territoire Français. A ce jour, 76% du territoire est couvert par tous les opérateurs, contre 45% seulement au 1er janvier 2018. Nous nous efforçons également d’améliorer la couverture mobile dans les zones blanches ou mal couvertes. Alors qu’au cours des 15 dernières années, seulement 600 nouveaux pylônes avaient été inaugurés, ce sont plus de 2 066 nouveaux pylônes qui vont être déployés en 2 ans. Parmi ceux-ci, 462 ont déjà été mis en service et le rythme des inaugurations est soutenu.
Le très haut débit devrait également nous permettre d’avancer sur un sujet stratégique pour l’avenir du monde rural, à savoir la prise en charge sanitaire de la population : je veux parler de la télémédecine, que nous allons continuer à développer. Je me réjouis de ce que le nombre de téléconsultations soit passé de 50 000 l’année dernière à un million au cours du premier confinement. Nous avons décidé qu’elles seront désormais remboursées à 100 %.
Le Ségur de la Santé viendra également conforter les établissements de santé et les maisons pluridisciplinaires de santé dans les territoires ruraux, en dégageant des financements supplémentaires. Notre objectif est de doubler le nombre de de maisons médicales, en le faisant passer de 1000 à 2000. Le Ségur permettra également, par les revalorisations salariales, inédites, qu’il prévoie, de renforcer l’attractivité des professions de santé, y compris dans les territoires ruraux.
Par ailleurs, comme la santé c’est d’abord de l’humain, nous souhaitons déployer 200 médecins salariés d’ici à 2022 dans les territoires ruraux. En un an, 50 de ces médecins ont déjà été recrutés. Ce sont également 450 postes d’assistants médicaux qui ont été créés en milieu rural, pour épauler les médecins.
Autre projet majeur pour vous : l’attention portée à nos aînés, dont beaucoup vivent en milieu rural et tiennent à y demeurer le plus longtemps possible.
Comme vous le savez, le Gouvernement prépare une loi consacrée à l’autonomie et au Grand âge, ainsi que la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à la prise en charge de ce risque. L’objectif est notamment de permettre de vivre à son domicile ou dans des structures adaptées et réparties sur tout le territoire national, même lorsque la dépendance progresse. D’ores et déjà, le PLFSS en cours de discussion va revaloriser les aides à domicile, dont je sais parfaitement l’importance en milieu rural. A l’autre extrémité du cours de la vie, il y a l’école. Je revendique haut et fort l’action de mon gouvernement en la matière : à la dernière rentrée de septembre, le Président a décidé de ne fermer aucune école dans les communes de moins de 5000 habitants sans l’accord du maire, ce qui a représenté le maintien de 1500 postes. En milieu rural, la moyenne d’élèves par classe s’établit à 21, ce qui est un des ratios les plus favorables d’Europe.
Nous allons faire passer à 20 000 le nombre de bénéficiaires des cordées de la réussite dans les collèges et les lycées ruraux. L’enseignement supérieur est également concerné : sur les 33 campus connectés aujourd’hui opérationnels, 19 accueillent des étudiants de zones rurales. Il s’agit de sites où les jeunes qui habitent loin d’un centre universitaire peuvent poursuivre leurs études tout en restant chez eux.
Notre volonté n’est pas seulement de protéger et de sauvegarder. Notre volonté, avec Jacquelin Gourault, Joël Giraud et l’ensemble du Gouvernement c’est également d’être offensif et de favoriser la croissance des territoires ruraux. Tel est l’objectif du plan de relance, dont 5 milliards seront dédiés au milieu rural. J’ai déjà évoqué les réseaux numériques. Autre réseau pour lequel nous allons réorienter vers vous notre politique : le réseau ferroviaire.
Nous allons en effet mettre en œuvre un plan massif de soutien au secteur ferroviaire, prévoyant notamment un réinvestissement dans les petites lignes et les trains de nuit, de façon à relier villes et campagnes mais aussi les campagnes avec les campagnes. Deux conventions sur les petites lignes ferroviaires ont déjà été signées avec les régions Grand Est et Centre Val de Loire en février dernier. Une troisième a été conclue avec la région AURA pour la partie Auvergne, le 5 octobre dernier et des conventions vont être finalisées dans les prochaines semaines avec les régions PACA et Pays de la Loire.
Le plan de relance en milieu rural doit nous permettre ensemble de négocier la transition écologique.
Pas « l’écologie de salon », prônée par ceux qui ne connaissent rien aux campagnes, mais plutôt ce que j’ai appelé « l’écologie de terrain » promue pour et par ceux qui y vivent. Un tiers de la dotation globale du Plan de Relance est directement fléchée vers la transition écologique. Cette capacité d’investissement doit permettre à vos territoires de mieux préserver les trésors naturels dont vous êtes les dépositaires, tout en développant l’implantation industrielle et la transition agricole. Les particuliers pourront eux-mêmes en bénéficier. Je pense par exemple à la rénovation énergétique de bâtiments, qu’ils soient privés ou publics – pensez donc à la rénovation de vos propres mairies !
Enfin, – et vous me permettrez d’insister sur ce point –, il faut désormais aider au développement d’un tourisme durable et responsable car l’attractivité de la France passe par celle de nos campagnes qui sont parmi les plus belles et les plus anciennes au monde. Ce n’est ni une nouveauté ni une révolution, mais nous devons soutenir les acteurs du tourisme vert, qui est un tourisme d’avenir. Le fond tourisme durable est doté de 50 millions d’euros. Les restaurants, qui souffrent tant de la crise sanitaire, seront soutenus, en particulier dans vos communes où ils jouent, avec les cafés, un rôle majeur dans la vie sociale.
Evidemment, le plan de relance se déploiera vers vous dans bien d’autres domaines : le volet agricole pour 1,1 milliard d’euros, la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement à hauteur de 300 millions d’euros et le doublement de la DSIL, dont j’ai demandé aux préfets qu’une part soit réservée aux collectivités rurales.
Les Préfets vous proposeront prochaine un nouveau type de contrats – le contrat de relance et de transition écologique – qui intégrera, dans un souci de simplification, plusieurs dispositifs contractuels existants, et qui vous permettra, à partir d’un diagnostic de territoire et d’objectifs fixés en commun, de bénéficier des crédits de l’Etat consacrés à la relance et à la transition écologique.
Vous le voyez, non seulement je nourris des ambitions pour le monde rural mais je mets en face des actes, des chiffres, des résultats. Il y a sans doute bien longtemps que de tels engagements n’avaient pas été pris et mis en œuvre. Encore n’ai-je pas évoqué l’ouverture de 323 nouvelles Maisons France Service, le déploiement de la police de sécurité du quotidien dans les territoires ruraux, la nouvelle justice pénale de proximité destinée à accélérer le traitement des petites infractions du quotidien qui empoisonnent la vie de vos administrés, le renforcement des sanctions à l’endroit de ceux qui s’en prennent aux élus de la République, à qui je veux redire à la fois mon soutien total et ma fermeté déterminée. Mais je ne saurais achever mon propos sans vous confirmer ma décision de proroger le dispositif des ZRR jusqu’au 31 décembre 2022. Je suis fier de cette décision, d’autant que, dès l’année prochaine, je doublerai le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand pour les jeunes en ZRR et que j’augmenterai la prise en charge financière de ces contrats par l’Etat à hauteur de 80%.
Mesdames et messieurs les élus ruraux,
Les belles fonctions que j’occupe dans des moments particulièrement difficiles me privent de vous appeler chers collègues, mais soyez assurés que si le titre n’y est plus, le cœur y est plus que jamais.
La France doit se décentraliser, se déconcentrer et se transformer. Notre pays a toujours su puiser ses forces dans ses campagnes. C’est aujourd’hui encore dans les campagnes qu’il doit aller puiser cette capacité à se renouveler pour faire mentir les vieux manuels de géographie et les préjugés urbains.
Dans les périodes difficiles vous avez su nourrir et défendre le pays. Depuis toujours, vous assurez la continuité de la France et aujourd’hui nous allons donner à cette force rurale les moyens de se déployer.
Je vous remercie.