Publié
03/05/2024|Modifié 03/05/2024
Europe 2024
Le 13 décembre 2023, le ministère de la Culture annonçait que la ville de Bourges était désignée capitale européenne de la culture 2028. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Explications avec Sylvain Pasqua, chef d’équipe sur les capitales européennes de la culture et expert au sein de la direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture à la Commission européenne.
Qu’est-ce qu’une capitale européenne de la culture ?
C’est avant tout un label européen, qui se traduit pour les villes détentrices par un projet de territoire renforçant les connexions entre ses différentes communautés et l’Europe par le prisme de la culture et des arts.
Melina Mercouri et Jack Lang voulaient qu’en dépit de cette absence de compétence communautaire, l’Europe puisse soutenir la culture. Leur idée, et leur ambition, était de créer une initiative montrant à quel point la diversité des cultures en Europe était une richesse pour notre continent et mettant en exergue les éléments culturels et lesvaleurs que les Européens ont en partage.
Pourquoi Bourges a-t-elle été désignée capitale européenne de la culture ?
De façon parallèle, dans les années 1990 puis 2000, de plus en plus de villes, comme Bilbao ou Nantes, ont utilisé la culture comme un extraordinaire vecteur dedéveloppement économique et social.
Cette dimension s’est donc naturellement ajoutée aux critères requis pour devenir une capitale européenne de la culture. Cela permet aux villes de réfléchir à la place de la culture et de l’Europe dans leur développement à moyen et long termes.
Les critères sont au nombre de six :
- Le premier critère, c’est le lien entre le projet de capitale européenne de la culture et la stratégiededéveloppement de la ville. C’est toute la réflexion à long terme de la ville et de la place qu’elle entend y donner à la culture et à l’Europe.
- Le deuxième critère, c’est la dimension européenne de l’événement, à savoir la façon dont le projet va promouvoir la diversitédescultures en Europe, les éléments qui nous rassemblent, ainsi que des projets de coopération ou de coproduction avec des partenaires venus de toute l’Europe et au-delà.
- Le troisième critère, c’est le contenuculturel et artistique, à savoir la force de la vision culturelle, la qualité des activités proposées et l’implication du tissu culturel local.
- Le quatrième critère, c’est le travail fait avec toutes les communautés et forces vives d’un territoire. Il ne s’agit pas simplement du secteur culturel, mais aussi des écoles, des universités ou des populations fragilisées pour ne citer que quelques exemples.
- Le cinquième critère, c’est la gestion. C’est-à-dire le budget et son adéquation avec les projets proposés, l’origine des financementspublics, le niveau de garantie qui est apporté, ou encore la stratégie de développement d’un financementprivé, la stratégie de communication ou encore les plans de contingence.
- Le sixième et dernier critère, c’est la capacité de miseenœuvre, en particulier la solidité du soutien des pouvoirspublicslocaux et régionaux.
Quels sont les impacts économiques, sociaux et durables observés dans les villes ayant porté le titre de capitale européenne de la culture ?
Quand on mesure les impacts, surtout dans le domaine culturel, c’est toujours très difficile de vraiment les relier à une cause unique.
Mais je pense que la perception qu’on a, par exemple, de Lille ou de Marseille aujourd’hui n’est plus du tout celle qu’on avait avant qu’elles ne deviennent Capitales européenne de la Culture, respectivement en 2004 et en 2013.
De façon générale, le label a permis à ces deux villes (mais aussi à bien d’autres détentrices du titre) de renforcer les partenariats de leurs acteurs culturels au niveau européen, de se faire connaître à l’international en améliorant leur image de marque, de développer l’estime de leurs populations ou encore de devenir des places culturelles plus fortes.
Evidemment, il y a aussi un impact sur le tourisme. On estime que le label entraîne en moyenne une augmentation de l’ordre de 20 à 25 % du nombre de visiteurs par rapport à l’année qui précède celle du titre.
Pour en revenir à Bourges, une grande attention sera portée à la diminution de l’empreinte carbone du projet, et c’est aujourd’hui un souci partagé par de nombreuses villes détentrices du titre.
Bourges entend aussi réfléchir à la façon d’associer culture et personnes en situation de fragilité. La cheffe d’orchestre ClaireGibault envisage par exemple d’installer son Paris Mozart Symphony dans un bâtiment désaffecté de l’hôpital psychiatrique de la ville afin de créer des projets en lien avec la santé mentale.
Comment le programme peut-il contribuer à renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union européenne ?
Les critères à remplir pour devenir une capitale européenne de la culture précisent que les villes candidates doivent inclure dans leurs dossiers des projets permettant de renforcer le sentimentd’appartenance à l’Union européenne. Dans le contexte géopolitique international tendu que nous connaissons, cela est d’autant plus important.
L’un des trois grands piliers du projet de Bourges s’appelle précisément « Nos voisins » et son objectif est de favoriser les connexions entre les citoyens de Bourges et ceux d’autres États membres de l’Union européenne.
Y a-t-il une place accordée à la participation des citoyens dans les projets des capitales européennes de la culture ?
Toutes les capitales européennes de la culture proposent des projets qui viennent de citoyens.
Entre deux parades, les différentsquartiers de Bruxelles organisent des ateliers où se retrouvent professionnels et amateurs pour préparer l’édition suivante et confectionner par exemple des costumes en laissant libre cours à leur imagination. Cet exemple montre comment ce label peut embarquer une populationentière dans un projet.
Comment le programme peut-il contribuer à la promotion de la diversité et de l’inclusion en Europe ?
Il est du coup tout naturel pour les capitales européennes de la culture de se faire les porte-drapeaux de ces actions. Le fait de recevoir le titre peut permettre justement de donner une visibilité très positive à des communautés qui sont encore en souffrance dans certains de nos territoires.
Kaunas, en Lituanie, capitale européenne de la culture 2022, ou encore Plovdiv, en Bulgarie, capitale en 2019, ont ainsi soutenu des projets culturels développés par ou avec l’appui des communautés LGBTQIA+. Avec ce label, on donne la possibilité à des équipes de faire des projetsd’inclusion et de montrer que l’Europe les soutient dans l’action contre toutes les discriminations.