Le chef de l’État s’exprimait ce dimanche soir depuis Rome, où il a assisté pendant deux jours au G20. Sa rencontre avec Boris Johnson n’a pas permis de faire baisser les tensions sur deux sujets épineux suite au Brexit, notamment l’octroi des licences aux pêcheurs français.
Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse ce dimanche soir à la suite de ses rencontres avec les dirigeants des pays du G20. Il a notamment répondu aux questions des journalistes au sujet des tensions avec le voisin britannique, alors que le président français a rencontré Boris Johnson plus tôt dans l’après-midi ce dimanche. Pour la première fois depuis le G7 en juin, les deux dirigeants se sont retrouvés en tête-à-tête pendant près d’une demi-heure. L’Élysée et Downing Street avaient donné deux versions assez différentes de la discussion entre MM. Macron et Johnson.
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Deux sujets empoisonnent les relations entre les deux États, et plus généralement entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, depuis le départ effectif du Royaume-Uni : le protocole nord-irlandais et la pêche en eaux britanniques. «Ce n’est pas bilatéral, ce n’est pas personnel» a martelé Emmanuel Macron, rappelant qu’il s’agit ici d’engagements pris par les Britanniques avec l’Union européenne et pas seulement la France. En ce qui concerne la pêche, un accord avait été conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoyant que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
«On parle de la vie de femmes et d’hommes qui dépendent de leur travail, qui ont besoin de passer des nuits et des jours en mer pour vivre» a continué Emmanuel Macron, insistant sur l’importance pour la France de faire respecter aux Britanniques leurs engagements. Ce qui, pour l’heure, est loin d’être le cas. Le gouvernement français maintient donc son ultimatum pour le 2 novembre, a confirmé le président devant les journalistes, précisant : «mon souhait n’est pas de prendre des mesures de rétorsion».
Un protocole en vue d’une «désescalade»
Emmanuel Macron a transmis aux équipes du premier ministre britannique «un document de travail» proposant «un protocole» pour permettre la «désescalade», tout en rappelant que si aucune suite n’est donnée, la France prendra les mesures de rétorsion annoncées. «La balle est dans le camp des Britanniques» a conclu le chef de l’État, qui a qualifié de «franche, apaisée, exigeante» sa conversation avec Boris Johnson. Précisant enfin : «La Commission européenne est de notre côté».
Emmanuel Macron affirme avoir également évoqué une nouvelle fois avec Boris Johnson le sujet de l’AUKUS (alliance tripartite entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, ayant notamment conduit à l’abandon par les Australiens d’une commande passée avec la France pour des sous-marins) : «ce n’est pas une bonne manière faite à la France» a redit le président français à son homologue britannique, estimant que sur ce dossier, son voisin d’outre-Manche a fait preuve «d’un comportement qui n’était pas tout à fait celui d’un allié».
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Enfin, Emmanuel Macron a redit qu’au sujet des migrants dans la Manche, les «pratiques et les choix» du Royaume-Uni, notamment de «relâcher en pleine mer» des migrants, ne sont pas acceptables par la France.
Alors que sur ces dossiers, aucune avancée concrète ne semble avoir été actée, le chef de l’État a néanmoins rappelé que «la France a une grande histoire avec le Royaume-Uni», ajoutant : «c’est un pays que je connais bien et que j’aime».
Plaidoyer pour le multilatéralisme
Sur les autres sujets évoqués lors de ce G20, le président français s’est félicité de ce que celui-ci a marqué « une étape importante pour le multilatéralisme », arguant de l’avancée de nombreux sujets que « nous suivons depuis plusieurs années et qui étaient au cœur de l’agenda français ».
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Parmi les priorités évoquées par Emmanuel Macron figurait d’abord celle de la relance de l’économie mondiale freinée par la pandémie. Le chef de l’État a rappelé l’importance de s’entendre «à court terme» entre producteurs et consommateurs d’énergie, pour éviter une «volatilité des prix» qui «fragilise la reprise et la croissance». Il s’est réjoui de la concrétisation de l’accord sur une taxation à 15 % des multinationales et des géants du numérique, «fruit d’un combat que la France mène depuis quatre ans et qui nous a valu des rétorsions […] de la précédente administration américaine». La mise en oeuvre de cette taxation interviendra, a-t-il promis, au 1er janvier 2023. Emmanuel Macron a évoqué également le démantèlement des tarifs douaniers supplémentaires imposés par les Américains sur l’acier et l’aluminium européens.
Le chef de l’État a en outre évoqué un effort consenti par les pays du G20 pour réallouer 100 milliards de dollars (trois fois plus qu’annoncé en mai dernier) de «droits de tirage spéciaux», un instrument monétaire mis en place par le FMI pour soutenir la balance de paiement des États. La banque mondiale estime que les pays africains ont besoin de 300 milliards d’aides d’urgence pour contrer les effets de leur endettement.
En matière de santé, Emmanuel Macron a rappelé son credo en faveur de la coopération, estimant que «l’Europe est exemplaire» en la matière et qu’en particulier «la France est au rendez-vous de ses objectifs», puisqu’elle a donné «à ce jour» 67 millions de doses à Covax, l’initiative promouvant un accès équitable au vaccin dans le monde. Elle s’était engagée à en donner 60 millions d’ici à la fin 2021. «Si tous les pays font comme la France (un habitant donne une dose), nous serons capables de tenir nos objectifs» au niveau mondial, a exhorté le chef de l’État, encourageant également à conduire les initiatives visant à implanter une part de la production mondiale des vaccins en Afrique, continent représentant 20 % des besoins mondiaux pour seulement 2 % de la production.
Sur le climat, «recréer de la convergence»
Enfin sur le climat, sujet sur lequel les chefs d’État du G20 étaient très attendus alors que s’ouvre à Glasgow la COP26, Emmanuel Macron a reconnu des «tensions» et des «divergences» mais a estimé que le sommet avait néanmoins permis de «recréer de la convergence». «Il n’y a pas de fatalité, on peut avoir des résultats concrets» a-t-il ajouté, tout en se congratulant du retour des États-Unis dans l’Accord de Paris ainsi que du fait que l’Union européenne «a pris toutes les décisions» et que ce n’est plus question «que de mise en oeuvre».
«Il faut réitérer l’ambition des 1,5 degrés, et ne pas tomber dans la fatalité des 2 degrés» a-t-il ajouté au sujet de l’objectif rappelé par les chefs d’État en matière de réchauffement. Emmanuel Macron a précisé en outre que les pays du G20 se sont engagés à «arrêter tout financement international du charbon à l’étranger d’ici la fin de l’année». Les pays, enfin, seront «au rendez-vous» pour le fonds de 100 milliards de dollars pour financer la transition énergétique, à condition que le Congrès américain vote les crédits.