Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour « recel de délit d’atteinte à l’égalité des candidats dans les marchés » dans l’attribution du marché public du parc éolien en baie de Saint-Brieuc à une filiale d’Iberdrola, a indiqué samedi une source proche du dossier, confirmant une information de Mediapart.
Le PNF avait été saisi fin août par le Comité des pêches des Côtes-d’Armor, qui dénonçait un recel de favoritisme dans l’attribution en 2012 de ce marché public à Ailes Marines, filiale de l’entreprise espagnole Iberdrola.
Ce projet de parc éolien suscite une vive hostilité des pêcheurs, qui s’inquiètent notamment de son impact sur l’environnement marin et sur leur activité.
Contactée par l’AFP, la société Ailes Marines a refusé de faire des commentaires.
« Dès lors qu’un risque pénal sérieux pèse sur l’opérateur, les cartes peuvent être rebattues », ont pour leur part réagi auprès de l’AFP Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth, avocats du Comité des pêches des Côtes-d’Armor.
« Un dialogue effectif est toujours possible et souhaitable avec des pêcheurs responsables et légitimes dans leurs revendications », ont-ils ajouté.
Lorsqu’ils avaient effectué leur signalement auprès du PNF, les deux avocats avaient rappelé dans un communiqué qu’en avril 2012, la société Ailes Marines avait été choisie par les ministres de l’Écologie et de l’Industrie pour la construction de ce parc alors que la société concurrente « Eolien maritime France » avait été désignée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Or, ce choix a depuis été jugé « irrégulier » par le Conseil d’Etat, « dans deux décisions de juillet 2019 (…) car l’exécutif avait pris en compte des conditions qui n’avaient pas été incluses dans le cahier des charges, pour favoriser Ailes Marines plutôt que la société concurrente », avaient observé les avocats.
Les pêcheurs ont aussi déposé fin août une plainte au parquet de Brest contre « l’intégralité du projet », notamment pour « rejet de substance polluante » et « atteinte à la conservation des espèces animales non domestiques ».
Le 24 septembre, Mes Bourdon et Brengarth ont par ailleurs annoncé avoir déposé deux recours devant le tribunal administratif de Rennes pour faire suspendre puis annuler un arrêté autorisant les travaux du parc éolien.
Le recours pour excès de pouvoir et le référé suspension « demandent respectivement la suspension puis l’annulation de l’arrêté du préfet maritime de l’Atlantique autorisant le navire Aeolus à se rendre sur le chantier du parc éolien marin dans la baie de Saint-Brieuc », avaient-ils expliqué.
Propriété de la société néerlandaise Van Oord, le navire de forage Aeolus est responsable de deux fuites de fluides hydrauliques les 14 juin et 28 juillet. Des fluides « facilement biodégradables » avec « un faible impact sur l’environnement », selon Ailes marines.
Mais pour la défense du Comité départemental des pêches, « l’urgence, condition nécessaire en matière de référé suspension, est d’autant plus caractérisée que la saison de la pêche de la coquille Saint-Jacques commence le lundi 4 octobre ».
La date d’audience du référé suspension a été fixée au 7 octobre.
Le parc éolien de la baie de Saint-Brieuc doit être érigé à 16,3 kilomètres de la côte. D’une capacité totale de 496 MW, avec 62 éoliennes, il est censé produire 1 820 GWh par an, l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 835 000 habitants, selon Ailes Marines.
Sa mise en service est prévue fin 2023 mais le chantier a pris du retard en raison d’incidents techniques et de difficultés liées à la nature du sol.