« C’était l’être le plus vivant et le plus exquis que j’ai jamais vu. Elle entra, à 17 ans, à l’atelier Julian et y fit grande impression », se souvient la peintre Louise Breslau. C’est en voyageant dès son plus jeune âge à travers l’Europe au côté de sa mère, que Marie Bashkirtseff (1858–1884), riche aristocrate ukrainienne, a découvert sa vocation de peintre. C’est à l’Académie Julian à Paris qu’elle fait ses armes, tenant « le premier rang » selon sa camarade Louise Breslau. Marie témoigne dans un célèbre tableau [ci-dessus] de l’ambiance d’émulation et de camaraderie qui règne dans cette rare école accessible alors aux femmes, autorisant même l’étude de modèles nus masculins. « Quant au sujet, il ne m’intéresse par beaucoup, mais cela peut être très amusant […]. Jamais un atelier de femmes n’a été peint », écrit-elle à propos de l’œuvre dans un journal, entretenu depuis l’âge de 12 ans (publié plus tard par sa famille), et qui raconte son engagement farouche en faveur de l’accès égalitaire des femmes à la formation artistique (« On voyait l’École des beaux-arts. C’est à faire crier. Pourquoi ne puis-je aller étudier là ?! »). Critique au Salon de 1881 sous le pseudonyme de Pauline Orrel pour le journal féministe La Citoyenne, la jeune révoltée fait elle-même sensation au Salon de 1884 avec le tableau Un meeting (aujourd’hui conservé à Orsay). À tel point qu’il fut attribué à son mentor, Jules Bastien-Lepage… De santé fragile, elle meurt à l’âge précoce de 25 ans.
Son œuvre
Inspirée de Vélasquez qu’elle copie et sous l’influence des idées d’Émile Zola, Marie Bashkirtseff s’engage dans le courant naturaliste. Elle peint dans une veine humaniste des scènes rurales, des parisiens d’origine populaire, des portraits de femmes… Son tableau le plus célèbre, Un meeting (1884), figure des écoliers réunis au pieds d’une palissade poussiéreuse couverte de graffitis, tandis qu’au loin une fillette vue de dos s’éloigne seule. L’historien Pierre Singaravélou y voit l’incarnation de « Marie en particulier et de la cause des femmes en général ». Elle signe aussi un autoportrait aux teintes sombres et à l’atmosphère vaporeuse, qui dit toute son ambition : élégante, quelques mèches rebelles et le regard frondeur, palette fermement tenue à la main.
Où la voir ?
Au musée d’Orsay, il est possible d’admirer Un meeting, présent dans la salle consacrée aux naturalistes, ainsi qu’un bronze, Douleur de Nausicaa. Les Portrait de la comtesse Dina de Toulouse-Lautrec et de Madame X, quant à eux, sont conservés en réserve. L’Autoportrait à la palette [ill. plus haut], évoqué plus haut, est à voir au musée Jules-Chéret à Nice.
Tous les jours, sauf lundi, de 9 h 30 à 18 h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h 45
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing • 75007 Paris
www.musee-orsay.fr
Musée des Beaux-Arts Jules Chéret
33 Avenue des Baumettes • 06000 Nice
www.musee-beaux-arts-nice.org