Comment évaluer mon exploitation et combien vaut-elle ? C’est l’une des grandes questions que posent tous les cédants à un moment ou un autre de leur processus de transmission. Le point de départ : réaliser un diagnostic de la ferme. Ensuite, plusieurs méthodes d’évaluation existent et de nombreux paramètres interviennent. L’objectif de cet article : vous donner des conseils pour objectiver le plus possible le prix de reprise.
Étape 1 : avant tout, un diagnostic de l’exploitation
Quel objectif ?
Analyser comment fonctionne la ferme et son environnement, avec ses points forts et faibles.
« Il s’agit de dresser un état des lieux le plus complet possible pour le jour de l’évaluation, afin de pouvoir justifier les choix retenus et argumenter ensuite lors de la négociation du prix de reprise de l’exploitation. Cela permet de personnaliser les calculs à chaque situation », détaille Christelle Brosset-Turpin, conseillère économie et stratégie au CER France.
Quels critères étudiés ?
> Pour le foncier : l’un des buts est de voir si l’ensemble des terres peuvent être transmises ?
Le foncier conditionne la sécurisation de l’outil global.
> Pour les bâtiments : cela revient à se demander s’ils sont fonctionnels, vétustes, aux normes environnementales, s’ils contiennent de l’amiante, ont des possibilités d’évolution, si l’exploitant a la maîtrise sous bâti…
Les bâtiments influencent la qualité de l’outil de travail.
> Pour la localisation de l’exploitation : il s’agit d’évaluer le dynamisme du bassin de production, la densité d’exploitations agricoles, la proximité de zones périurbaines, et d’infrastructures de collecte et de transformation.
La localisation de la ferme impacte le potentiel de l’offre, la concurrence, puis les débouchés…
> Pour la maison d’habitation : S’il y en a une, le cédant souhaite-t-il la vendre ou l’acheter ? Quelles sont les conséquences financières ?
« Le diagnostic sert à faire une synthèses des forces et des faiblesses de l’exploitation, ainsi que des opportunités et menaces extérieures, qui vont jouer positivement ou négativement le prix de reprise, explique l’experte. Il faut mesurer le poids de chaque paramètre avant d’effectuer tout calcul. »
Exemple d’une synthèse de diagnostic :
Étape 2 : l’évaluation de la ferme
Quel objectif ?
Réussir à transmettre son exploitation, en fixant un prix équitable pour le cédant et le repreneur, c’est-à-dire sans la surestimer ni la sous-estimer, qui servira de base aux négociations.
Qui la réalise ?
Un conseiller spécialisé de la chambre d’agriculture, du centre de gestion, voire d’autres OPA (organisations professionnelles agricoles).
Quelle durée de validité ?
Deux ans maximum en raison de l’usure des matériels bâtiments.
Comment ?
Via une visite de la ferme (de l’ensemble des installations).
Avec deux méthodes : patrimoniale ou globale, intégrant le potentiel économique de l’exploitation.
- Calcul de la valeur patrimoniale
Elle prend en compte : l’évaluation de chaque bien un par un, dont elle est le total.
– le foncier (sous et autour du bâti)
– les bâtiments
– les matériels, en réactualisant la valeur d’origine avec les indices d’âge, d’état…
– le cheptel et les stocks (sur une base comptable, au prix de revient ou au cours du jour).
Les limites :
« Il est difficile d’avoir une valeur objective car le cédant a mis des années à bâtir son exploitation, à améliorer ses terres et son cheptel, indique Christian Garel, qui effectue des estimations d’exploitations agricoles à la chambre d’agriculture de Bretagne. Il y a un attachement sentimental au patrimoine, qui influence la perception de la valeur de la ferme. »
- Calcul de la valeur économique
Elle prend en compte : les atouts et les limites de la ferme.
Autrement dit : le potentiel de rentabilité, ce qui représente « la capacité de l’exploitation à dégager un revenu pérenne pour l’exploitant ». « Elle est déterminante pour le repreneur et aussi pour le banquier ». L’indicateur clé est alors l’EBE susceptible d’être atteint.
« Il est très utilisé en gestion, notamment dans les études prévisionnelles d’installation, qui tiennent compte à la fois de l’historique de la ferme et des prévisions de prix pour les années à venir, commente le spécialiste. Il faut bien sûr diminuer l’EBE des annuités liées aux investissements indispensables, ainsi que de la rémunération du travail des exploitants. Ainsi, il détermine la capacité de remboursement de l’entreprise (à dégager de l’EBE). »
- Combiner ces deux approches
« L’approche patrimoniale est certes rassurante, mais elle est incomplète. C’est pourquoi elle doit être accompagnée d’une évaluation économique. En fait, les deux calculs sont indissociables, il faut trouver un juste équilibre entre les deux », précise Christian Garel.
Objectif : déterminer une fourchette de valeurs.
« Attention, on parle de la valorisation d’une unité de production existante dans son fonctionnement actuel », pointe le conseiller de la chambre d’agriculture. « Faire estimer sa ferme est important, pour éviter de partir sur une valeur faussée qui pénalisera le cédant. Elle peut être demandée par l’agriculteur en place ou le repreneur, poursuit Maël Michel de Cogedis. Le juste prix sera celui auquel l’exploitation trouvera un acquéreur. »
Pour approfondir cette étude économique, il convient d’envisager les risques : « la pérennité du foncier en location par exemple, sensibilité de la production au marché, les perspectives d’évolution de la structure », cite Christian Garel.
À la fin, un rapport, compilant tous les résultats, est remis au cédant et commenté. Il vise à « le sensibiliser aux contraintes de son exploitation et lui servir d’outil d’aide à la décision ». « Il lui donne une vision objective de la valeur de sa ferme avant qu’il n’engage la vente. »
Source de l’article : webinaire, organisé par la chambre d’agriculture de Bretagne, dans le cadre de la semaine régionale de l’installation et de la transmission, du 20 au 27/11/20 et de la Quinzaine de la transmission/reprise d’exploitations agricoles 2020 déployée à l’échelle nationale dans tout le réseau.