Agriculteur en Eure-et-Loir, Jimmy Pasquier a testé pour la première année la culture de sorgho grain sur son exploitation, avec l’appui de sa coopérative Natup. Plutôt satisfait de la cinquième céréale mondiale, il compte renouveler l’expérience en 2022. Détails.
Dans l’optique de proposer des solutions de diversification, la coopérative Natup développe depuis deux ans la culture du sorgho grain sur le sud et le sud-est de son territoire, où « les assolements se sont réduits au fil du temps au triptyque blé, orge, colza ».
« Après une phase expérimentale et grâce au développement de variétés très précoces, ce sont 1 300 ha qui ont été implantés pour la campagne 2021, chez 130 agriculteurs autour de Saint-Sauveur (Eure-et-Loir), dans le sud de l’Eure, le nord de l’Eure-et-Loir et l’est des Yvelines », indique la coopérative.
Parmi eux, Jimmy Pasquier, agriculteur à Boutigny-Prouais (Eure-et-Loir), cherchait une nouvelle solution pour « rompre le cycle des adventices », il témoigne notamment de problématiques ray-grass et vulpin sur son exploitation. Il a tenté l’expérience avec 14 ha de sorgho grain cette année. Malgré le faible ensoleillement, l’agriculteur se dit satisfait de cette campagne avec un rendement moyen de 77 q/ha dans des terres limono-sableuses. Il pense semer 18 ha de sorgho en 2022.
« Une culture plutôt facile… »
Il faut dire que le sorgho bénéficie de plusieurs atouts agronomiques. « Il s’adapte bien au changement climatique : il a de faibles besoins en intrants et tolère bien la sécheresse » grâce notamment à un système racinaire très développé. À noter toutefois : « même si ses besoins en eau sont faibles (400-500 mm), un stress hydrique au stade épiaison-floraison peut impacter le rendement », souligne Frédéric Chopart, responsable de la région Est chez Natup.
« C’est une culture plutôt facile qui permet d’étaler le travail, il est cependant nécessaire d’attendre que les sols se réchauffent pour semer. » Sur son exploitation, Jimmy Pasquier a semé cette année autour du 20 mai : « les chantiers ont été un peu retardés à cause du printemps humide », indique-t-il. Parmi les variétés proposées, il a choisi RGT Belugga (très précoce), adaptée à son secteur. Généralement, il est recommandé d’utiliser un semoir monograine, pour semer les graines à environ 3-4 cm de profondeur en espaçant les pieds de 40 cm et les rangs de 60 cm, l’objectif de peuplement étant de 150 à 180 000 plantes/ha. Mais l’agriculteur n’étant pas équipé, il a pu utiliser aussi son semoir à céréales (inter-rangs : 15 cm) cette année et « cela fonctionne bien aussi ».
… « et économe en intrants »
Principal point d’attention de l’itinéraire technique : le désherbage. La culture du sorgho est, en effet, « assez sensible à la concurrence des adventices, en particulier pendant la période d’installation de la culture. Passé le stade 6-8 feuilles, le pouvoir couvrant du sorgho limite par lui-même la propagation des mauvaises herbes », explique l’entreprise Semences de Provence. Jimmy Pasquier note, pour cette campagne 2021, deux interventions de désherbage chimique en post-levée : « aux stades 2 et 6 feuilles. Et je réfléchis pour l’année prochaine à la pré-levée ». Quand cela est possible, « les solutions de désherbage mécanique permettent également de compléter et de sécuriser la maîtrise des adventices dans la culture », précise Arvalis.
« Il est possible de positionner un passage de herse étrille ou de houe rotative quelques jours après le semis (technique du passage « à l’aveugle ») en ayant pris soin de semer un peu plus profondément (5 cm recommandés). Un (ou plusieurs) binage(s) peuvent aussi être réalisé(s) vers le stade 5-6 feuilles du sorgho. » Reconnu pour être économe en intrants, le sorgho n’a pas nécessité d’autres interventions phytosanitaires pour Jimmy Pasquier : « aucun fongicide et aucun insecticide », le sorgho dispose d’une bonne résistance face aux maladies et aux prédateurs. « Attention par contre aux corbeaux, pigeons et sangliers », ajoute l’agriculteur : un fléau commun pour plusieurs cultures de printemps…
Côté fertilisation, l’agriculteur a apporté 140 u d’azote. À noter : « 40 % de l’azote mobilisé par le sorgho est restitué au sol sous forme organique, soit 60 à 80 kg d’azote intégrés dans l’humus du sol », indiquent les équipes Natup. Le sorgho est une espèce peu exigeante vis-à-vis du phosphore et du potassium, cependant un apport peut être conseillé au semis dans les sols pauvres, selon Sorghum ID.
Récolte à 20-25 % d’humidité
Pour la récolte, pas besoin d’équipement spécifique. Le stade optimal se situe autour de 20-25 % d’humidité. « Les graines se récoltent à l’automne lorsqu’elles sont dures, idéalement avant les gelées. Il faut ensuite les faire sécher et les décortiquer pour enlever le son. » Chez Jimmy Pasquier, les chantiers se sont déroulés autour du 25 octobre, et il a semé un blé derrière. Comme précédent d’une culture de printemps, le sorgho a aussi « l’avantage de réduire l’érosion des sols en hiver et le lessivage de l’azote, et de préserver la structure du sol ».
Côté rentabilité, « on dit souvent que celle du sorgho grain est assez proche d’un maïs grain, même si les rendements et prix en maïs sont particulièrement bons cette année », précise Frédéric Chopart. L’interprofession Sorghum ID estime, dans les conditions de production françaises, « environ 323 €/ha de charges opérationnelles pour la culture du sorgho grain : 115 €/ha pour les semences, 128 €/ha en fertilisation et 80 € de produits phytos. La marge brute (avec les aides) serait aux alentours de 900 €/ha ».
Une demande en développement
Outre l’aspect agronomique, la demande de sorgho sur le marché de l’alimentation animale et humaine pousse aussi à une augmentation des surfaces. « En France, les surfaces ont bondi en trois ans, et tout particulièrement en 2020 : + 26 % par rapport à 2019, pour atteindre 116 000 ha », précisent les équipes Natup. De son côté, la coopérative estime un potentiel de culture de 8 000 ha pour son territoire adapté.
Natup a « des engagements de commercialisation, notamment au sein du groupe, dans l’usine d’alimentation animale pour les porcs, à destination de la Bretagne ou à l’export intracommunautaire, ou encore, à terme avec les Gamm vert, distributeurs de produits pour l’oisellerie. » En alimentation humaine, le sorgho a aussi plusieurs utilisations possibles : « il sert à produire du pop-sorghum, des flakes, du lait, des pâtes, ainsi que des spiritueux.. […] Et il a la particularité de ne pas contenir de gluten et peut par conséquent être adapté à un régime sans gluten pour les personnes intolérantes ».