La nouvelle stratégie française de réduction des produits phytosanitaires, présentée lundi, change le mode de calcul des usages, ce qui se traduira par un effort moins important qu’auparavant pour atteindre l’objectif de réduction de 50 % des phytos d’ici 2030.
Face aux manifestations de colère et blocages de portions d’autoroutes, le gouvernement avait annoncé le 1er février la mise sur « pause » des travaux sur cette nouvelle stratégie, Ecophyto 2030, alors en phase de consultation et décriée par les producteurs de grandes cultures.
Le Premier ministre Gabriel Attal promettait la mise en place d’un « nouvel indicateur » pour mesurer les progrès en matière de diminution du recours aux produits phytosanitaires.
Cette nouvelle stratégie, qui sera officiellement présentée lundi et que l’AFP a pu consulter, « acte un changement de méthode » : elle « fixe des objectifs de réduction des risques et des usages de produits phytopharmaceutiques », « tout en donnant à tous les agriculteurs les moyens de cette transition ».
Dans ce cadre, 250 millions d’euros sont notamment dédiés à la recherche de solutions alternatives, comme les produits de biocontrôle, et à l’accompagnement des agriculteurs dans le changement de pratiques.
Le gouvernement reprend à son compte le mantra du syndicat majoritaire FNSEA en affirmant travailler « dans le respect du principe « pas d’interdiction sans solution » ».
Ce plan renouvelle l’objectif – poursuivi en vain depuis le premier plan Ecophyto de 2008 – de réduction de 50 % de l’utilisation des phytosanitaires par rapport à une période de référence. La période de référence est désormais la moyenne des années 2011-2013 (contre 2015-2017 auparavant).
Mais dans ce nouveau plan, comme promis par le Premier ministre, l’indicateur de mesure des usages change : le Nodu (pour Nombre de doses unités), utilisé jusqu’ici par la France, est remplacé par le HRI1, l’indicateur européen de risque harmonisé.
Le Nodu, qui est calculé en hectares, divise les quantités de substances actives vendues par leur dose de référence. Il n’a que très peu varié ces dernières années en France. Il était de 85,7 millions d’hectares en 2021 (pour un objectif de 50 millions d’hectares en 2030).
Le HRI1 est un indice : il est calculé en multipliant les volumes de substances actives vendues par des « coefficients » censés refléter la dangerosité des divers produits phytosanitaires. Il ne tient pas compte des doses d’application mais classe les produits en quatre catégories.
Selon les schémas présentés dans la nouvelle stratégie Ecophyto, le calcul du HRI1 fait déjà apparaître une diminution de près de 40 % de l’usage des phytos entre 2011 et 2024.
Cohérence européenne
Plusieurs ONG environnementales ont dénoncé ce nouveau plan dès vendredi, arguant qu’un « changement de thermomètre » ne faisait pas baisser la fièvre.
Générations Futures qualifie le HRI1 de « trompeur » puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le Nodu a, lui, « augmenté de 3 % (…) pendant la même période ».
Pour Pollinis, « en changeant d’indicateur et en omettant d’améliorer dès maintenant l’évaluation des risques des pesticides en France », ce nouveau plan « ne permettra pas de réduire l’impact délétère de ces produits sur la biodiversité ».
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, défend ce changement d’indicateur au nom d’une « cohérence« européenne ». Ce nouvel indicateur fait apparaître la France, qui autorisait en 2023 quelque 300 substances actives, légèrement au-dessus de la moyenne européenne, consommant plus que l’Autriche ou l’Estonie mais moins que la Grèce, l’Italie ou l’Espagne.
« L’important sur la question des produits phytosanitaires, ce n’est pas dire (…) « je veux aller vers le zéro [pesticide] », c’est de réduire (…) les plus à risque », a-t-il déclaré vendredi sur France Info, soulignant une réduction d’usage de 95 % des molécules les plus toxiques (CMR1) depuis 2015.
Pour le gouvernement, il n’existe pas d’indicateur parfait et le HRI1 pourra être amélioré : le nouveau plan prévoit d’ailleurs de confier une « mission d’expertise scientifique et technique » à l’institut de recherche Inrae « pour proposer des voies d’amélioration sur la méthodologie de calcul de cet indicateur ».
Cette nouvelle stratégie prévoit également d’actualiser « la liste des captages prioritaires et sensibles », pour mieux surveiller les risques de pollution des eaux, soulignant que « des produits phytopharmaceutiques ont été trouvés au moins une fois dans 80 % des points de mesure du réseau de surveillance des eaux souterraines ».