15 avril 2019. Le monde entier retient son souffle après la sidération des premières images qui ont inondé les écrans dès la fin de journée, de New York à Pékin. Alors que les flammes ravagent la flèche de Notre-Dame et sa toiture, le monument va-t-il être réduit à néant comme un château de cartes ? La capitale va-t-elle perdre son insigne cathédrale, ce chef-d’œuvre de l’art gothique francilien ? Il s’en est fallu de peu. Plusieurs piliers de la nef, au nord, ont en effet subi un très fort choc thermique suite à l’effondrement de poutres de la charpente en feu.
« Ils ont été très vite corsetés. Si ces piliers avaient explosé à cause de la chaleur, tout se serait effondré », explique Dany Sandron, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie à la Sorbonne, sollicité, début 2021, pour coordonner un groupe de recherche sur le décor de la cathédrale. De fait, l’extraordinaire qualité architecturale de l’édifice, pensé par un maître maçon du XIIe siècle demeuré encore aujourd’hui anonyme, l’a en grande partie sauvée.
« Notre-Dame a été une étape clé dans cette course au gigantisme qui se poursuivra sur tous les chantiers de cathédrales. »
Dany Sandron
Car au-delà de sa dimension symbolique, Notre-Dame fut bel et bien le fruit d’une révolution architecturale, celle du gothique, initiée certes une vingtaine d’années plus tôt, vers 1140, dans le chœur de l’abbatiale de Saint-Denis, mais portée à son sommet à Paris, grâce à l’ambition (et aux moyens financiers) de l’évêque Maurice de Sully. « Par cette échelle, il s’agissait de manifester la puissance de l’Église, avec l’aval du roi de France, précise Dany Sandron. Notre-Dame a été une étape clé dans cette course au gigantisme qui se poursuivra sur tous les chantiers de cathédrales. Gigantisme mais aussi très grande légèreté. »
Une cathédrale en perpétuel renouvellement
Comme la plupart de ces colosses de pierre, la cathédrale de Paris sera érigée sur un temps long, en différentes phases ; son architecture sera modifiée à plusieurs reprises, principalement aux XIIIe et XIXe siècles. Mais son parti d’origine, même s’il fut quelque peu altéré par le temps, lui a permis de conserver, au fil des siècles, cette unité. Cela grâce à un plan simple sans transept débordant, à double collatéral de même hauteur (à l’origine sans arcs-boutants à l’extérieur), provoquant un effet de volume unique. Et une magistrale élévation intérieure, d’abord à quatre niveaux ramenés à trois au XIIIe siècle, avec des voûtes s’élevant à 33 mètres de hauteur. Dans les années 1170, un nouveau maître maçon y apporta une touche subtile : il introduisit le délit, c’est-à-dire des colonnettes monolithes d’une extrême finesse, filant jusqu’au départ des voûtes dans un délicat effet de verticalité. Un troisième et un quatrième architecte bâtirent ensuite le massif occidental et sa façade avec galerie des rois et le raccordèrent à la nef.
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