Le réalisateur Louis Clichy (Le Domaine des dieux, Le Secret de la potion magique) partage ses souvenirs d’Albert Uderzo, cocréateur d’Astérix.
AlloCiné : Vous avez coréalisé deux films d’animation Astérix, comment s’est passée votre première rencontre avec Albert Uderzo ?
Louis Clichy : C’était une rencontre très formelle, j’étais présenté comme le potentiel premier réalisateur d’un Astérix en images de synthèse. J’étais très impressionné par le personnage, c’était en 2011, 2012. Ça s’est bien passé car j’avais un avantage : j’étais le faiseur d’images, dessinateur. Je viens de l’animation traditionnelle de dessins donc je pense qu’il y a des choses qui faisaient qu’on avait des passerelles tous les deux, on pouvait discuter de dessin et d’animation.
Oui, car lui aussi avait travaillé sur l’animation donc vous aviez ce point commun au départ.
Exactement. Il en parlait tout le temps : chaque fois qu’on le voyait, même à la fin, c’était sa grande frustration de n’avoir pas pérennisé un studio d’animation. Il a fait un studio à la fin des années 70, le studio Idéfix, car il venait de l’animation. Ce n’est pas la BD en tant que telle qui l’intéressait, c’est Disney. Astérix est vraiment une représentation de Mickey et de la création d’un volume : un personnage fait pour être animé. Pas du tout une logique à la Tintin, qui a ses avantages mais qui est très différent. Donc son but ultime était le dessin animés. Il en a fait, qui ont bien marché d’ailleurs, mais tenir un studio d’animation c’est compliqué et il n’avait pas de projet qui venait derrière et il a dû le fermer. Il nous en parlait souvent.
Est-ce que vous avez un souvenir lié à son bureau, qu’on connaît par des photos mais qui est un peu un lieu mythique ?
Oui, il avait une maison qui était assez importante, forcément, le succès aidant. Et au tout dernier étage -il y avait un tout petit ascenseur car [M. Uderzo] ne marchait plus très bien- on arrivait dans cette pièce, qui faisait 30 à 40 m2 où tout était tapissé de ses oeuvres originales à lui ou de celles de grands dessinateurs qui lui rendaient hommage. Il y avait énormément d’objets, de trucs de Louis de Funès… c’était un musée, dans le bon sens du terme. Il ne travaillait plus à cette époque, donc c’était rangé et ce n’était plus un atelier de dessins à proprement parler.
Que représentait Astérix pour vous avant de travailler dessus, peut-être plus en tant que lecteur ?
Ce que je dis souvent, et c’est assez décevant de ma part, c’est que je n’étais pas un énorme lecteur d’Astérix. On lisait très peu de BD à la maison, j’ai donc connu Astérix par les dessins animés seulement, et c’est après coup que je suis allé voir la BD. C’est une oeuvre que je respecte et que j’aime beaucoup, sans en être un grand fan, et je crois que ça m’a aidé à ne pas idolâtrer la BD pour pouvoir l’interpréter la tordre un tout petit peu, dans la limite de l’exercice évidemment.
Je vous demande donc moins quel album vous restera particulièrement, que quel film d’animation Astérix a votre préférence ?
Ils sont pas mal fichus, un peu daté dans la technique car ils n’avaient pas les connaissances, pas les moyens peut-être aussi d’aujourd’hui, mais j’ai beaucoup aimé Les 12 travaux d’Astérix. Parce que ce sont Uderzo et René Goscinny qui ont réalisé et ce n’était pas une adaptation de BD, ils ont créé l’histoire. Ils ont adapté leur façon de raconter les histoires en termes de cinématographie. Je le regarde encore aujourd’hui, il y a des expressions et des animations qui font un peu rire car tout n’est pas parfait, mais il marche encore très bien, y compris dans ce qu’il raconte.
On a parlé de votre première rencontre avec Uderzo. Que garderez-vous de façon peut-être plus personnelle ?
Quelque chose m’a touché. Lorsqu’on faisait le premier film, malheureusement, nous étions dans un ancien parking souterrain. Le seul moyen d’entrer était de passer un portique et de descendre comme une voiture en y allant à pieds. Et on a osé amené Uderzo dans cet endroit et il a fallu que je lui tienne la main de façon très importante parce que sinon il tombait d’en haut jusqu’à l’arrivée. Et c’était émouvant de se dire que je tenais dans ma main ce monsieur assez connu qui était dans la fin de sa vie. J’étais à la fois terrorisé et très ému. (…) C’est quelqu’un qui chaque fois qu’on arrivait avait des lumières dans les yeux parce qu’il adorait le dessin. J’avais le rôle facile. Bien sûr qu’il a parfois été difficile parce qu’il y avait des idées qu’il n’aimait pas, mais quand même, majoritairement, il était content quand j’arrivais et ça, c’était un vrai bonheur.
5 choses (méconnues) à savoir sur Astérix :