La bulle de bonheur d’Arthur Hoffner, lauréat du prix MAIF 2023


Quoi de plus léger qu’une bulle ? Associé aux jeux d’enfants, le thème intéresse depuis longtemps les artistes, qui y voient un bon moyen de faire démonstration de leur dextérité. L’innocente bulle de savon mérite en effet un talent à la hauteur de sa finesse, de sa brillance et de ses reflets miroitants ! Ils sont nombreux à s’y s’être frottés, de Jean Siméon Chardin (avec La Bulle de savon en 1734) à Édouard Manet (Les Bulles de savon, 1867) en passant par Rembrandt (Cupidon à la bulle de savon, 1634). Dernier en date ? Arthur Hoffner (né en 1990), sculpteur contemporain, dont la pratique est très proche du design et de l’artisanat ; « je travaille autour de l’objet de manière générale », résume-t-il.

Projet d’Arthur Hoffner, « Fragilités », pour le Prix MAIF pour la sculpture 2023

Projet d’Arthur Hoffner, « Fragilités », pour le Prix MAIF pour la sculpture 2023

Le jeune artiste s’est formé auprès des Compagnons du devoir puis sur les bancs de l’école Boulle et de l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI-Les Ateliers). Son dada ? La ferronnerie d’art, qu’il a découverte très jeune et lui a donné envie de se tourner vers le travail du volume. Parmi ses premiers faits d’armes, Arthur Hoffner a multiplié les « fontaines d’intérieur » tubulaires et épurées, présentées notamment lors du 64e Salon de Montrouge. Celles-ci disent son intérêt pour les objets qui incitent à la contemplation, au calme, à l’attention rêveuse… Intérêt que l’on retrouve dans son tout dernier projet, pas encore achevé – le but du prix MAIF pour la sculpture étant de faire exister un projet encore à l’état de prototype.

« J’ai imaginé une sculpture qui génère en continu la formation de bulles de savon. » L’œuvre adopte la forme d’un tube recourbé vers le bas, d’où sortent de généreuses bulles emplies de vapeur. Celles-ci tombent et rebondissent dans un saladier, où elles explosent dans un nuage de brume… Et le scénario se poursuit indéfiniment en un fascinant spectacle. Cette sculpture fonctionne en circuit fermé, détaille l’artiste, qui a ici mis en place un processus complexe impliquant un brumisateur à ultrasons, des « plaques de céramique qui vibrent à très haute fréquence », un ventilateur et une pompe péristaltique (c’est-à-dire une pompe utilisée pour les liquides)…

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Extrait de la vidéo d’Arthur Hoffner réalisée par InstanT

Extrait de la vidéo d’Arthur Hoffner réalisée par InstanT

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Inutile de s’effrayer toutefois : « La technologie mise en œuvre dans l’objet est mise au service de l’illusion. » Les coulisses techniques sont savamment dissimulées pour que seul le spectacle des bulles de savon sortant du tube puis éclatant soit visible, et enchante l’œil du regardeur. « La technologie devient une forme de technomagie », poursuit l’artiste, qui aime à ce que son projet reste nimbé de mystère…

Arthur Hoffner revendique par cette idée une forme de légèreté. Si la précédente lauréate, Émilie Perotto, nous racontait travailler à partir de données sociales et géopolitiques concrètes, abordant par exemple le taux de mortalité infantile des pays producteurs d’or, le sculpteur veut, quant à lui, échapper à la « brutalité du monde » : « Le fait de produire des bulles peut sembler très éloigné d’enjeux socioculturels qu’on pourrait vouloir voir représentés dans une œuvre d’art. Mais c’est tout le parti pris du projet. » En échappant à l’obligation de fonction, de sérieux, et en se plongeant dans la confection d’un spectacle enfantin et « presque absurde », l’artiste fait acte de rébellion. Son invitation ? Jouir de cette « tension entre un objet complexe à mettre en œuvre » et la production de « quelque chose de gratuit au sens essentiel du terme ». Il cite au passage Georges Bataille, évoquant la beauté d’une pure « dépense improductive », où les enjeux sont sacrifiés au profit de la beauté, du jeu – de la grâce, car on en manque tant.



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