Au Palais Galliera, un joli coup de chapeau pour Stephen Jones


« Un chapeau, c’est un ami qui vous donne confiance. » Dans un parfait français légèrement feutré d’un accent british, Stephen Jones, en béret noir, jubile en déambulant dans l’exposition que lui consacre le Palais Galliera. Le fil se déroule sur tout le rez-de-chaussée du musée parisien, et démarre par un grand portrait du modiste anglais de 67 ans bien chapeauté à l’entrée. Quand on lui demande s’il existe des « têtes à chapeaux », il nous rétorque que paraître sans, pour lui, « ça serait comme sortir tout nu. ».

Au bout de 44 ans de carrière, tissée en Londres et Paris, cette référence des couturiers contemporains dévoile enfin ses secrets dans « Chapeaux d’artiste », un parcours cousu en deux temps par Marie-Laure Gutton qui dirige le département Accessoires du Palais Galliera : d’abord les collections propres de Stephen Jones, ses créations et inspirations en plus de 170 chapeaux, puis un défilé d’une quarantaine de silhouettes témoignant de ses collaborations avec les grands maîtres de la couture, de Jean-Paul Gaultier à John Galliano, en passant par Rei Kawakubo pour Comme des Garçons.

Le « kid » de Covent Garden adoubé par la famille royale

Le chapeau a soudain fait tourner la tête de Stephen Jones un jour de classe à la Saint Martins School of Art, école d’art et de design de renom à Londres : « c’est comme si les gènes de mon père, l’ingénieur, se conjuguaient avec ceux de ma mère décoratrice », confie-t-il. Happé, l’élève va s’appliquer studieusement le jour derrière sa machine à coudre. La nuit venue, il écluse son inspiration au Blitz à Covent Garden. Le club est alors le terrain de jeux des « kids », des néoromantiques punks, parmi lesquels on reconnaît sur les photos accrochées au Palais Galliera Boy George et Steve Strange du groupe Visage.

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Stephen Jones, Chapeau Bang !

Stephen Jones, Chapeau Bang !, automne-hiver 2010–2011

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Jean-Paul Gaultier propose à Stephen Jones de collaborer après l’avoir vu dans le clip de « Do You Really Want to Hurt Me » de Culture Club, avec un fez en velours rouge sur la tête.

On croise aussi, parmi ces oiseaux de nuit, Perry Haines, coéditeur du magazine i-D qui va lancer la carrière de Stephen Jones avec une couv en 1982. Pile deux ans après l’ouverture de sa première boutique, le magazine Vogue suit, Lady Diana l’adoube en portant son béret rouge : ses créations sont couronnées de succès. En caméléon, Stephen Jones a toujours su se conformer, mais sans conformisme, à toutes les personnalités, un talent qui lui permet de coiffer une large frange de people (Katy Perry, Victoria Beckham, Lady Gaga…) tout en continuant à fabriquer, aujourd’hui encore, des chapeaux pour la famille royale anglaise.

Deux amours : son pays et Paris…

Stephen Jones, Je ne sais quoi

Stephen Jones, Je ne sais quoi, printemps-été 2010

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Avec Paris, insiste l’exposition, le chapelier anglais a vite filé le parfait amour. Dans les couleurs, les formes, la France habite ses créations, de la tour Eiffel au bonnet phrygien qui l’a souvent inspiré. Dans les vitrines, le Palais Galliera a sorti quelques trésors de ses collections, Lanvin, Dior, ou encore Chanel, pour montrer comment ces icônes ont imprimé l’œil du plus frenchy des modistes anglais. « Rose Royce » (automne-hiver 1996–1997), entre haut-de-forme et béret, achève la démonstration de cette synthèse filée par l’artiste entre Londres et Paris.

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Le modiste chouchou des grands couturiers

La seconde partie de l’expo fait place à un merveilleux défilé de couture parisienne. D’abord, avec Jean-Paul Gaultier, autre familier du Blitz Club dans les années 1980, qui propose à Jones de collaborer après l’avoir vu dans le clip de « Do You Really Want to Hurt Me » de Culture Club (1982), avec un fez en velours rouge sur la tête. Parmi les fidèles couturiers, on croise aussi Claude Montana, Thierry Mugler, ou Azzedine Alaïa, rencontré en 1983 par l’entremise de Sibylle de Saint Phalle, nièce de Niki.

Stephen Jones, Chapeau Charles James

Stephen Jones, Chapeau Charles James

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La complicité nouée avec John Galliano dans les années 1990 conduit Jones à créer pour sa maison, mais aussi pour Dior, Givenchy… « Stephen, confie le couturier à propos de leur amitié dans le catalogue de l’exposition, s’est montré un ami toujours présent quand j’avais besoin de me tourner vers quelqu’un ou de surmonter quelque chose. Durant toutes ces turbulences, au fil des ans, il est là, chaque fois, avec une tasse de thé – c’est une âme sœur qui connaît ce milieu à fond. »

D’un podium à l’autre, on constate l’extraordinaire capacité du modiste à épouser les styles, passant avec élégance de Maria Grazia Chiuri, chez Dior, à un surréalisme cousu main pour Daniel Roseberry, chez Schiaparelli. Décidément, chapeau l’artiste !

Catalogue sous la direction de Marie-Laure Gutton
Éditions Paris Musées · 250 p. · 40 €



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