« L’idée est de montrer comment des artistes réagissent à l’actualité, ou comment ils s’engagent à travers leur pratique artistique » explique Marc Donnadieu, à qui Guillaume Piens, commissaire général d’Art Paris, a proposé de réfléchir à une programmation pour la 25e édition de la foire. Ensemble, ils ont retenu le thème de l’engagement. À Nietzsche, Donnadieu emprunte ces mots : « l’artiste a le pouvoir de réveiller la force d’agir qui sommeille en d’autres âmes. »
« Nous nous sommes rendu compte qu’il y a dans cette sélection plus d’artistes femmes qu’hommes, et plus d’artistes étrangers que français. »
Pour la préparation de cette exposition – qui se visite dans toute la foire, en suivant les cartels dédiés –, le commissaire s’est penché sur les artistes représentés par les galeries inscrites. À certaines, il a fait part de ses souhaits et a demandé de présenter certaines œuvres. D’autres lui ont directement soumis leurs propositions. En résulte un parcours de vingt œuvres, à voir dans vingt galeries. « Nous nous sommes rendu compte qu’il y a dans cette sélection plus d’artistes femmes qu’hommes, et plus d’artistes étrangers que français. Cela montre que la France reste encore une terre d’accueil pour les artistes. »
Quatre figures tutélaires, historiques, ont guidé les réflexions du commissaire : l’Américaine Nancy Spero (1926–2009), qui s’est opposée à la guerre du Vietnam et s’est engagée pour la cause des femmes, Jacques Grinberg (1941–2011), artiste de la Nouvelle Figuration, le peintre français d’origine haïtienne Hervé Télémaque (1937–2022), à l’ironie mordante, et Paul Rebeyrolle (1926–2005), « dont les peintures barbares sont prémonitoires de ce monde en déclin où l’homme autodétruit, par cynisme, sa propre condition humaine et son rapport au vivant. » Tous les quatre affrontent la violence du monde avec un esprit vif, un humour grinçant, et une inventivité constamment renouvelée dans le champ de la peinture, qui sort grâce à eux de son cadre pour se faire virulente, insolente, volontaire. Jamais innocente, donc.
Marc Donnadieu relie à ces quatre artistes des plasticiens plus jeunes, confrontés à d’autres réalités mais héritiers de leur esprit rebelle. Nancy Spero lui a inspiré le choix de la photographe camerounaise Angèle Etoundi Essamba (née en 1962), autrice de merveilleux portraits de femmes, de Rakajoo (né en 1986), peintre d’un Paris métissé et riche de cultures plurielles, de l’Afghane Kubra Khademi (née en 1989), dont on connaît bien désormais les performances féministes et les puissantes odes dessinées à la sensualité féminine, ou encore de Randa Maroufi (née en 1987), dont les photographies et vidéos interrogent le genre et ses stéréotypes.
Les trois représentants de la Nouvelle Figuration et de la Figuration narrative l’ont, quant à eux, mené vers Alain Josseau (né en 1968) et sa réinvention à 360 degrés de la peinture d’histoire version dessin virtuose, vers la Vietnamienne Thu Van Tran (née en 1979) « qui creuse dans les failles de l’image et de l’histoire afin de remettre en jeu l’importance des matériaux et de la matérialité des mots et de leur sens », ou encore vers le Zimbabwéen Duncan Wylie (né en 1975), auteur de superbes peintures à mi-chemin entre figuration et abstraction. Et s’il ne fallait citer qu’une seule œuvre, nous confie-t-il, ce serait celle de Sépànd Danesh (né en 1984), « un artiste iranien dont la famille a été persécutée par le pouvoir, et qui traite de cela avec un vocabulaire proche du pixel et des jeux vidéo. Je trouve incroyable qu’il puisse évoquer des choses aussi graves avec cette ironie extrêmement mordante, presque cruelle, cette dérision et cette distanciation. » D’un courage inouï, nous dit-il encore. C’est le point commun de tous ces artistes, dont la liberté ne va pas sans générosité et bravoure.
Du 30 mars 2023 au 2 avril 2023
Grand Palais Éphémère • Avenue Pierre Loti • 75007 Paris
www.grandpalais.fr