Contactés par Web-agri, Dorian et sa sœur Gwendoline sont revenus sur le tournage de l’émission « aidons nos fermes » produite par le groupe M6. Après un redressement judiciaire et plusieurs années de galère, la famille d’exploitants normands compte bien profiter de la lumière des projecteurs pour développer leur activité de vente directe.
Après cauchemar en cuisine, dont la vocation est d’aider les cuistots malheureux en affaire, le groupe M6 s’attaque à l’agriculture. Avec « Aidons nos fermes », l’animatrice Marie Portolano et Patrice Cougoureux interviennent pour « sauver des exploitations en difficulté ». Éleveur de vaches Galloway dans le Tarn, cet Etchebest de l’agriculture joue le rôle de coach auprès des jeunes agriculteurs. Parmi eux, Dorian Havé qui rêve de reprendre l’exploitation familiale. Contacté par Web-agri, le jeune homme nous en dit plus sur les motivations qui l’ont poussé à candidater à l’émission.
Rebondir après un redressement judiciaire
Avec sa sœur Gwendoline, ils se remémorent les années noires traversées par leur père, Stéphane. Touchée de plein fouet par la crise laitière de 2016, l’exploitation de 75 Prim’Holstein ne parvenait plus à faire face. « Le lait n’était plus rentable et l’investissement dans un robot de traite n’est pas arrivé au bon moment », précise Dorian. « En 2017, la ferme a été placée en redressement judiciaire, complète sa sœur. C’en est suivi une période d’observation de 18 mois pour savoir ce qu’il adviendrait de l’exploitation ». Après de nombreux mois d’efforts et d’incertitudes, « je me suis présenté au tribunal avec mon père. On a plaidé notre cause pour obtenir la confiance des juges », se remémore la jeune femme. Et le travail a porté ses fruits, la famille Havé a bénéficié d’un plan de continuation, à horizon 2032.
Contrainte d’arrêter le lait par manque de rentabilité, la famille Havé s’est rabattue sur la production de vaches allaitantes. « À cette époque, le prix des vaches à viande était supérieur à celui des laitières. Il fallait compter deux Prim’Holstein pour une Limousine », précise Dorian. Réduite à 50 têtes en 2018, l’exploitation travaille depuis à agrandir le troupeau. « Je suis actuellement à 75 vêlages, et j’espère monter à 100 dans les années qui viennent », apprécie Dorian.
L’émission pour développer la vente directe
Et M6 dans tout ça ? Tenté par la vente directe, le jeune agriculteur a contacté la production afin d’être aidé sur ce projet. « Patrice Cougoureux nous a vraiment accompagnés dans notre diversification, estime Gwendoline. Il y a eu une réflexion sur la restructuration du magasin, des conseils sur la communication, la fidélisation des clients ». L’émission leur aura également permis de se faire connaître. « On sait bien que tous les téléspectateurs n’habitent pas en Normandie, mais la production nous a permis de faire des passages radio qui ont porté leurs fruits. On voit déjà les retombées avant même la diffusion télé ».
Et le travail s’avère payant « avec la vente directe, on réalise environ 1 000 € supplémentaires par bovin », explique Dorian. Soit un prix au kilo avoisinant les 7,75 € pour des carcasses de 440 kg (conformation U-).
Mais leur passage télévisuel sera, ils l’espèrent, l’occasion de sensibiliser le grand public sur les difficultés rencontrées par le monde agricole. « Les médias nous sont apparus comme un ultime recours », alerte Gwendoline. Malgré le plan de continuité, difficile pour l’exploitation de bénéficier de la confiance des banques. « Notre situation reste extrêmement fragile, nous n’avons aucune capacité d’emprunt. Chaque investissement doit être autofinancé ».
On espère regagner la confiance des banques
« On espère que des portes s’ouvriront », insiste l’étudiante en droit. Pas forcément pour de gros emprunts, mais pour gérer la trésorerie au quotidien. « À la moisson, on demande à être payés à la livraison. Et l’on tient comme ça de septembre à décembre ». Pour les six mois restants, les exploitants bataillent pour que les entrées collent avec les sorties d’argent. Le plan de continuité obligeant notamment les éleveurs à payer comptant. « Aujourd’hui, la ferme tourne, on demande juste à pouvoir être accompagnés sur la gestion de la trésorerie ».
D’autant que l’exploitation se voit imputer un haut niveau de prélèvements par l’État. « Comme nous autofinançons nos investissements, nous avons très peu de charges au bilan comptable », détaille la jeune femme. Un contexte qui fait gonfler les prélèvements de la MSA comme des impôts. Leur souhait ? Voire leur situation s’améliorer avant l’échéance du plan de continuation. « La dernière échéance est en 2032. On a déjà tenu 7 ans sans banque, j’espère que cela va s’assouplir car actuellement, c’est un combat de tous les jours ».
« On pense qu’il y a beaucoup d’agriculteurs dans la même situation, on espère que l’émission permettra de sensibiliser les politiques. On avait envie de combattre cette absurdité face caméra », concluent avec détermination Gwenaëlle et Dorian Havé.