« J’étais à Washington lorsque j’ai vu une œuvre de Louise Bourgeois pour la première fois. C’était une araignée monumentale, qui m’a d’abord fait un peu peur puis qui m’a hypnotisée. Je ne pouvais plus me détacher d’elle… J’ai ensuite voulu comprendre pourquoi elle avait choisi cet animal, ce que cela voulait dire, pourquoi cette œuvre s’appelait Maman… J’ai été heureuse de découvrir qu’il s’agissait de l’œuvre d’une femme – on a si peu l’occasion de voir des sculptrices dans l’espace public !
Plus tard, sur Internet, je suis tombée sur cette phrase : ‘I had a flashback of something that never existed’ Je me suis dit : encore Louise Bourgeois ! Cette phrase était en fait extraite d’un livre textile, Ode à l’oubli. J’aimais l’idée qu’il soit fait à partir d’objets du quotidien – notamment des serviettes qu’on lui avait offert des décennies plus tôt à l’occasion de son mariage, et qu’elle avait retrouvées dans une vieille armoire. C’est l’œuvre d’une artiste au soir de sa vie, qui raconte ce qu’elle a vécu.
Au-delà de toute analyse, j’ai été immédiatement touchée par ce que cette phrase – ‘I had a flashback of something that never existed’ – disait de moi, en tant que femme qui écrit des chansons, des histoires. Je pense qu’on peut avoir des flashbacks de choses qui ne sont pas vraiment arrivées, mais qui pourtant existent à travers la création et les histoires que l’on raconte. J’ai un côté très nostalgique et mélancolique, et j’ai aussi une bonne mémoire : Louise Bourgeois a cerné qui j’étais et j’ai voulu avoir cette phrase dans la peau… Même si l’idée du tatouage – mon premier ! – me terrifiait ! (rires) Ce que je trouve incroyable dans l’art, c’est à quel point l’on peut y projeter ce que l’on est. Une œuvre est mouvante, elle existe dans l’œil de chaque personne qui la voit et dans la façon dont elle se l’approprie. »
November Ultra, “Bedroom Walls : le Salon”
2023, Hollywood Summer Records / Virgin Records France