Abandonné ? Non ! Le projet controversé du président de la République Emmanuel Macron de remplacer des vitraux anciens de la cathédrale Notre-Dame de Paris par des vitraux contemporains suit son cours. Dans un communiqué de presse publié le 4 septembre dernier, le ministère de la Culture indiquait qu’« à l’issue de la première phase de consultation », « huit candidatures » avait été « retenues » en prenant « en compte l’avis du Comité artistique présidé par M. Bernard Blistène ».
Le texte nomme les huit artistes choisis : Jean-Michel Alberola, Daniel Buren, Claire Tabouret, Philippe Parreno, Yan Pei-Ming, Christine Safa, Gérard Traquandi et Flavie Vincent-Petit. Associés chacun à une manufacture ou un atelier spécialisé dans les vitraux, ces derniers sont appelés « à travailler dès aujourd’hui à un projet » qui « devra être remis le 4 novembre prochain ».
Un concours pour de nouveaux vitraux
Cette annonce relance une vive polémique remontant au 8 décembre 2023 lorsque le président Emmanuel Macron, en visite sur le chantier de Notre-Dame, avait annoncé l’organisation d’un concours pour installer des vitraux contemporains dans les baies de six chapelles du bas-côté sud de la nef de la cathédrale. Des ouvrages modernes qui remplaceraient les vitraux historiques conçus au XIXe siècle par l’architecte Eugène Viollet-Le-Duc, grand restaurateur de la cathédrale.
Ces grisailles à motifs géométriques et d’entrelacs rehaussés de couleurs, que le président de la République souhaite retirer du monument pour les exposer dans le futur musée consacré à Notre-Dame, avaient pourtant survécu intacts à l’incendie d’avril 2019 avant d’être nettoyés et consolidés lors du chantier de restauration qui vient de s’achever.
La charte de Venise invoquée
La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture s’était prononcée, le 11 juillet dernier, à l’unanimité contre le remplacement de ces verrières en invoquant la charte de Venise – texte de 1964, signé par la France, qui interdit le remplacement d’éléments anciens bien conservés par des pièces modernes. Mais le ministère de la Culture s’était alors dit déterminé à poursuivre malgré tout l’appel à projets lancé en mars…
L’annonce de cette entreprise a provoqué la colère (ravivée par ce nouveau communiqué qui confirme sa poursuite) des défenseurs du patrimoine. Ces derniers dénoncent une destruction de l’harmonie architecturale de cette mythique cathédrale gothique et une violation de la loi sur le patrimoine culturel, l’édifice et ses vitraux étant classés monuments historiques, et donc protégés contre ce type de modification. Sur les réseaux sociaux, un hashtag #saccagenotredame a ainsi été lancé en début de semaine.
Une vive polémique contre le remplacement de vitraux intacts
« La renaissance de la cathédrale a été rendue possible par une vaste mobilisation nationale et internationale, grâce aux contributions de milliers de donateurs qui souhaitaient la restaurer dans son état historique. Croit-on vraiment que ceux-ci accepteront que sa restauration soit altérée par la volonté d’Emmanuel Macron d’y laisser son empreinte ? », s’insurge le journaliste Didier Rykner, défenseur du patrimoine et fondateur du magazine La Tribune de l’Art, dans sa pétition mise en ligne le 10 décembre 2023 sur la plateforme Change.org, où elle a recueilli à ce jour près de 200 000 signatures.
« L’association de protection du patrimoine – la plus ancienne en France – Sites & Monuments attaquera en justice toutes les décisions prises dans le cadre de ce projet », assure par ailleurs une mise à jour de la pétition, appelant à une récolte de dons et publiée ce 5 septembre 2024 sur Change.org.
La charte de Venise invoquée dans cette affaire avait mis un coup d’arrêt à un autre projet du président Emmanuel Macron : celui de remplacer la flèche de Viollet-Le-Duc, entièrement détruite dans l’incendie, par une flèche contemporaine – idée qu’il avait alors abandonnée en optant pour sa reconstruction à l’identique, désormais achevée.
Le précédent des vitraux de Pierre Soulages
Ce n’est pas la première fois que l’introduction d’éléments contemporains dans un édifice historique fait scandale. Après une polémique épineuse, les vitraux contemporains créés par l’artiste Pierre Soulages dans l’église abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron) au début des années 1990 avaient fini par être adoptés par les habitants réticents, et sont aujourd’hui admirés comme des chefs-d’œuvre.
Preuves que l’art contemporain peut rayonner avec succès dans un bâtiment ancien, ces verrières translucides traversées de lignes de fer ondoyantes avaient néanmoins pris la place de vitraux créés dans les années 1940–1950 pour remplacer les originaux détruits. Un cas différent de Notre-Dame, où les vitraux anciens du XIXe siècle, conçus pour préserver l’esthétique médiévale de la cathédrale et pour former un tout cohérent avec les autres vitraux et l’ensemble de son architecture, sont classés et toujours intacts.
Notre-Dame de Paris. La querelle des vitraux 1935-1965
Du 22 juin 2024 au 5 janvier 2025
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