Le gouvernement français a rendu public un projet d’arrêté autorisant à nouveau pour la campagne 2023 l’utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes, insecticides néfastes pour les abeilles, suscitant l’opposition de défenseurs de l’environnement.
Ce texte, publié sur le site du ministère de l’agriculture, est mis à la consultation du public jusqu’au 24 janvier. Il devra ensuite faire l’objet d’un avis favorable du Conseil de surveillance des néonicotinoïdes avant d’être signé par le gouvernement, probablement début février.
« La campagne betteravière 2023 est la dernière campagne pour laquelle un arrêté dérogatoire à l’interdiction d’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est susceptible d’être adopté », précise le ministère de l’agriculture. Le ministre, Marc Fesneau, s’était dit en décembre favorable à une nouvelle dérogation, après celles de 2021 et 2022, « pour lutter efficacement » contre la prolifération des pucerons verts, porteurs de la jaunisse de la betterave, « en attente de solutions alternatives ».
Le projet d’arrêté autorise au titre de la campagne 2023, et pour une durée de 120 jours, l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées à l’imidaclopride ou au thiamethoxam (des néonicotinoïdes).
Restrictions sur les cultures suivantes
L’arrêté est accompagné de restrictions sur les cultures qui pourront être semées les années suivantes sur ces surfaces, afin de réduire l’exposition des insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de ces produits.
Voici les détails de l’annexe 2 de cet arrêté. « Après une culture en 2021, 2022 ou 2023 de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes, seules les cultures suivantes (incluant les cultures intermédiaires) peuvent être semées, plantées ou replantées » :
– « L’année suivant celle de la culture : avoine, blé, choux, cultures fourragères non attractives, cultures légumières non attractives, endive, fétuque (semences), moha, oignon, orge, ray-grass, seigle, betterave sucrière à l’exception des semences traitées au thiamethoxam ou à l’imidaclopride, épeautre, épinard porte-graine, graminées fourragères porte-graine, haricot, miscanthus, soja, tabac, triticale, tritordeum » ;
– « La deuxième année suivant la culture : chanvre, maïs, pavot/œillette, pomme de terre, millet, quinoa » ;
– « La troisième année suivant la culture : colza, cultures fourragères mellifères, cultures légumières mellifères, féverole, lin fibre, luzerne, moutarde tardive, phacélie, pois, radis, tournesol, trèfle, vesce, lupin, sarrasin, sorgho ».
« Des pistes prometteuses »
Fin 2020, le Parlement avait autorisé « le retour temporaire de ces insecticides, qui contribuent au déclin massif des colonies d’abeilles et interdits depuis 2018, pour voler au secours de la filière betteravière dont les rendements avaient été drastiquement réduits par la jaunisse ». La loi précisait que les dérogations ne pourraient être accordées, jusqu’en juillet 2023, que pour les semences de betterave sucrière.
L’ONG Générations Futures s’est immédiatement opposée à ce nouveau projet, estimant que les informations disponibles montraient une pression de la maladie « bien moindre qu’en 2020 et 2021 ». « Il faudrait à la fois avoir un fort réservoir de virus et une forte pression de pucerons » pour justifier une nouvelle dérogation, selon un communiqué de l’association.
Le gouvernement précise qu’il « examinera notamment les prévisions climatiques saisonnières initialisées au 1er janvier 2023 et la présence de réservoirs viraux à l’automne ». Il rappelle également qu’un Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été lancé au printemps 2021 pour trouver des solutions alternatives aux néonicotinoïdes, mais que les instances de ce PNRI considèrent qu’il n’existe pas encore de solutions « déployables à l’échelle de l’ensemble » des cultures betteravières, « même si certaines pistes sont prometteuses ».