Plus d’un demi-siècle aura été nécessaire pour que les brouillards de la Seconde Guerre mondiale se dissipent sur le champ de bataille des avant-gardes. Martin Barré est l’un de ces personnages décisifs qui ne deviennent visibles qu’en dernier. La grande exposition que lui consacre le Centre Pompidou, exceptionnellement associé au Mamco de Genève pour un catalogue commun, permet enfin de lui rendre sa place sur une scène artistique plus riche et plus complexe qu’on a pu le croire. La vulgate d’une création absolue, inaugurée par le geste sauvage de Jackson Pollock, décrivait une Europe encore sous les décombres de son glorieux passé, éduquée à l’art contemporain par une Amérique dominatrice et bienveillante.
Le peintre Barnett Newman avait clairement résumé le projet : « Repartir à l’origine de l’art comme si la peinture n’avait jamais existé. » L’expressionnisme abstrait, l’action painting ou le color field painting débarquaient derrière les armées salvatrices. Mark Rothko, Robert Motherwell et tant d’autres, encouragés par de puissantes personnalités comme Peggy Guggenheim, éprouvaient le sentiment sincère d’une invention absolue dont il fallait faire bénéficier l’Europe et le monde par une sorte de plan Marshall de l’esprit. Nous savons aujourd’hui combien ce récit doit être révisé si l’on veut en appréhender convenablement la part de vérité.
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