l’incroyable succès d’une lapine superstar

Elle fêtera ses 70 ans en 2025 mais sa vitalité n’a jamais été aussi bondissante ! Que vous ayez des enfants ou non, impossible que Miffy ne vous soit pas familière. Née sous le feutre du dessinateur et auteur néerlandais Dick Bruna (1927–2017), cette petite lapine blanche actuellement au centre d’une exposition au musée de l’Illustration jeunesse à Moulins, dans le département de l’Allier, est un vrai phénomène mondial du merchandising.

Le cumul est astronomique : Miffy, c’est 85 millions d’albums vendus dans le monde. Mais pas seulement : Miffy, c’est aussi des peluches, des bijoux, des mugs et des gourdes, des couvertures, des bavoirs, des carnets… Il y a même un métro à son effigie en Chine, un café à Bangkok. La mignonne petite trogne fait craquer la planète. Mais quelle est donc la recette du succès commercial de cette lapine ?

Le succès d’une petite lapine

Tout commence par une journée pluvieuse de vacances en 1955 où le fils de Dick Bruna s’ennuie ferme. Quand papa, designer de logo et de couvertures pour des maisons d’éditions, voit passer un petit lapin qui court dans les dunes : lui vient une idée et, en quelques tracés, une ligne claire très lisible, Nijntje (« petit lapin » en néerlandais) était née ! Ses histoires ancrées dans le quotidien des jeunes enfants font rapidement un tabac au Pays-Bas. Popularisée sous le nom de Miffy à l’étranger – plus commode à prononcer –, la lapine va s’exporter… Héroïne d’une trentaine d’albums, Miffy est aujourd’hui traduite dans plus de 50 langues !

« Je crée un monde que les enfants remplissent de leur imagination. »

Le triomphe éditorial de Miffy provient aussi de l’appétit de son créateur pour le design. Petit-fils d’éditeurs, Dick Bruna a beaucoup regardé l’art moderne, Georges Braque, Fernand Léger, Henri Matisse. Très sensible au mouvement De Stijl, il accorde une importance primordiale à l’objet : « Je ne suis pas un illustrateur, précisait d’ailleurs Bruna, je suis plutôt un artiste graphique. Je pense toujours en termes de forme… » Pour Miffy, l’artiste innove en choisissant un format carré, ce qui permet aux petites mains d’enfants de manipuler les livres.

Un chef-d’œuvre d’épure

Autre clé de cette réussite : malgré sa simplicité graphique, Miffy sait exprimer tout un panel d’émotions, à travers l’inclinaison de ses oreilles, la position de ses yeux (deux billes) et la forme de sa bouche en croix. Ajoutons enfin une palette réduite à quatre couleurs, plus du noir, un code établi par Bruna selon un système précis, créant une identité visuelle cohérente et reconnaissable. « Je crée un monde que les enfants remplissent de leur imagination », dira le père de Miffy.

Cette année, la petite lapine a fait son trou dans les boutiques de nos musées. Au musée d’Orsay, au Louvre, la peluche est habillée d’une robe à fleurs impressionniste ou en blouse et chapeau de paille comme Vincent van Gogh. Elle a aussi fait son terrier chez Hema, enseigne néerlandaise aux prix modestes, qui a fait l’acquisition d’une licence pour des produits dérivés séduisant sa clientèle.
Banco ? Aucun chiffre d’affaires n’est communiqué par la famille du créateur qui gère les droits de Miffy via la société Mercis bv, depuis le décès de Dick Bruna en 2017, et s’occupe du musée dédié au personnage installé à Utrecht, aux Pays-Bas. Mais on sait qu’en 1999, les ventes de produits Miffy au Japon ont atteint 330 millions de dollars.

Du rififi avec Hello Kitty la copieuse !

Gare à ceux qui voudraient chiper une part du carrot cake ! Il y a quinze ans, la lapine bankable a été au centre d’une bataille judiciaire commerciale qui a fait des remous dans la propriété intellectuelle. Objet du litige : le personnage de Cathy, une lapine amie de Hello Kitty, éditée par la société japonaise Sanrio depuis 1976, jugée trop similaire à Miffy.

En 2010, un tribunal néerlandais a statué en faveur de Miffy et interdit la fabrication, commercialisation et vente des produits Hello Kitty aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg avec une astreinte de 25 000 euros par jour en cas de non-respect de la décision. Les dommages versés ont été reversés par les ayants droit de Dick Bruna aux victimes du tsunami qui avait frappé le sud-est asiatique en 2004.