
Dans la Persistance de la mémoire, le visionnaire Dalí les imaginait coulantes « comme le camembert quand il est tout à fait à point ». Si les montres ne sont toujours pas devenues molles, elles se sont en tout cas mises à l’heure de l’art. Les manufactures horlogères créent tous les ans des chefs-d’œuvre de précision, en édition limitée voire en modèles uniques, qui n’ont rien à envier aux toiles de maître, tout au moins pour les très nombreux collectionneurs qu’elles aimantent littéralement. Autant de trésors jalousement préservés des regards et que vous ne verrez presque jamais en vitrine. L’exclusivité n’est que l’un des rouages de cette mécanique artistique bien huilée enclenchée voilà une dizaine d’années.
Deux écoles jouent les maîtres des horloges. Dans les ateliers de la maison suisse Graff, on part d’un cadran – comme d’une toile vierge – pour y miniaturiser avec éclat un répertoire, telles ces œuvres abstraites de Cy Twombly matérialisées par des cascades de diamants dans une éblouissante montre joyau de 25,62 carats… Second mouvement : laisser carte blanche à un artiste vivant. Du tatoueur Maxime Plescia-Büchi à la star du street art Shepard Fairey, la manufacture Hublot s’est fait une spécialité de ces collaborations prestigieuses.
L’art du temps long
Dernièrement, on y a vu pousser les fleurs iconiques du Japonais Takashi Murakami sur un cadran translucide sculpté en volume à 12 pétales ou surgir la montre à gousset ovni de l’Américain Daniel Arsham, connu pour ses « reliques du futur ». Trois ans de développement ont été nécessaires : « La partie en saphir a été compliquée à réaliser car c’est un produit organique et fragile. À haute tension, il se fissure. Avec Daniel, nous avons rendu l’impossible possible », se félicite la marque.
HUBLOT × MURAKAMI, MP-15 Takashi Murakami Tourbillon Sapphire
La fusion entre art et technique ne se limite pas à ces pièces collectors. Les horlogers orchestrent et multiplient les expériences avec une minutie de maître. Dans les foires d’art, Breguet, Rolex ou Richard Mille sont désormais toujours présents. D’autres maisons, comme Cartier avec sa Tank ou sa Santos-Dumont, déclinent les expositions autour de leurs modèles phares.
Les mondes de l’art et de l’horlogerie ont en commun le temps long. Fort de son atelier d’excellence des métiers d’art Les Cabinotiers, Vacheron Constantin a noué depuis plusieurs années des partenariats muséaux avec le Louvre, le Metropolitan Museum of Art de New York ou le Palace Museum de Pékin, autour d’échanges de savoir-faire en matière d’artisanat et de restauration, mais aussi d’activités de mentorat.
Tout en produisant quelques pièces uniques destinées à des aficionados et inspirées des collections, comme la Lutte pour l’étendard de la bataille d’Anghiari de Rubens, reproduite en grisaille et mise aux enchères au profit du Louvre en 2020. Plus disruptif, le programme « Made of Makers » de Jaeger-LeCoultre invite des artistes, designers ou artisans tous extérieurs à l’horlogerie. En 2024, le parfumeur français Nicolas Bonneville s’est inspiré de l’identité olfactive de la maison fondée il y a près de deux cents ans pour créer un triptyque de fragrances offert à quelques clients privilégiés, tout en s’interrogeant : l’horlogerie a-t-elle une odeur ? En version luxe, le temps qui s’écoule a un doux parfum.
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