Le Prix MAIF pour la sculpture se connecte aux nouvelles technologies


« Il faut saluer cette capacité du Prix MAIF à se réinventer. » Gaël Charbau, membre du jury depuis quatre ans, se félicite du tournant pris en 2020, « en prise avec les problématiques des artistes d’aujourd’hui ». Il est vrai que l’intelligence artificielle est au centre de nombreux projets et œuvres d’art contemporain, d’expositions et de colloques. Elle fascine, provoque des réflexions, crée des mondes. Autrement dit, elle est devenue incontournable. Mais « il faut imaginer que ce n’est pas si fréquent qu’un prix ou une bourse se révolutionne de cette façon », nous précise le critique d’art commissaire d’exposition indépendant. La décision est donc importante, et l’édition 2020 cruciale.

Membre du jury depuis 2019, Anne Langlois, directrice du centre d’art 40mcube à Rennes, ajoute qu’« on ne s’est pas beaucoup éloigné : on est passé d’une approche technique à une approche technologique. » Comme certains modèlent la terre ou frappent le métal, d’autres codent et font du numérique un matériau, aussi physique qu’un morceau d’acier. Il ne s’agit pas de se laisser fasciner par une technologie toute puissante, mais d’en faire l’alliée d’une œuvre forte, critique, ambivalente. « Ce qui est important et ce à quoi on est attentif, c’est que la technologie soit au service du projet artistique », poursuit Anne Langlois, avant d’appuyer : « La technologie est très intégrée par un certain nombre d’artistes aujourd’hui : le prix révèle cela, il correspond à une réalité de l’art contemporain. »

Portraits de Grégory Chatonsky et de Goliath Dyèvre

Portraits de Grégory Chatonsky et de Goliath Dyèvre

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© Maurine Tric pour la Cité Internationale des Arts – Paris / © Costanza Canali

En février, quatre finalistes ont été choisis : Léonard Martin, Hugo Servanin, Virginie Yassef et le duo Grégory Chatonsky et Goliath Dyèvre.

Pour l’édition 2020, les artistes ont pu répondre à l’appel à projets entre les mois de novembre 2019 et de janvier 2020. En février, quatre finalistes ont été choisis : Léonard Martin, Hugo Servanin, Virginie Yassef et le duo Grégory Chatonsky et Goliath Dyèvre. Ce sont ces derniers, en duo, qui ont été élus lauréats au printemps, pour leur projet Internes. Né en 1971, le Franco-Canadien Grégory Chatonsky a rencontré Goliath Dyèvre (né en 1980) lors d’une résidence à la villa Kujoyama au Japon. Ils expliquent l’origine de leur idée commune : « On se promenait à Kyoto, dans les jardins zen, et, à un moment, on est tombé sur un petit temple portatif. On a imaginé qu’en ouvrant les portes de ce temple, un monde plus grand allait s’ouvrir, plus grand que le temple lui-même. »

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Grégory Chatonsky et Goliath Dyèvre, « Internes », simulation 14 pour le Prix Maif pour la sculpture

Grégory Chatonsky et Goliath Dyèvre, « Internes », simulation 14 pour le Prix Maif pour la sculpture, 2020

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© Grégory Chatonsky et Goliath Dyèvre

Après différentes résidences et un voyage en Nouvelle-Zélande ensemble, ils réfléchissent à des objets « incomplets physiquement », qui seraient « complétés par une réalité augmentée, une réalité numérique ». Le projet Internes aboutira donc à des sculptures nées grâce à l’impression 3D béton (une première particulièrement complexe !), qui prendront la forme d’une sorte de paysage d’un mètre sur un mètre, dont l’aspect grisâtre se voudra « neutre, un peu triste ». L’idée est de faire participer le visiteur, qui, en s’emparant de son téléphone portable, pourra contempler l’œuvre augmentée en réalité virtuelle : « L’augmentation, elle, est très colorée, très vivante », soulignent les deux artistes.

L’IA est et reste un matériau, à façonner selon des réflexions.

« Nous, on est des matérialistes, appuie Grégory Chatonsky. On pense que le numérique, c’est du matériel. » Gaël Charbau justifie du choix du lauréat : « Chatonsky fait partie de ceux qui en France sont les plus en pointe sur les questions de l’intelligence artificielle. » Le duo se place donc en dehors des discours hypnotisés par l’IA, qui y voient une révolution. Le commissaire détaille : « Ce n’est pas une “intelligence” mais un travail sur des données. Certes, la traduction de l’anglais a donné “intelligence”, donc on a l’impression que c’est une machine qui pense, mais ce n’est pas ça. » L’IA est et reste un matériau, à façonner selon des réflexions. Il conclut : « C’est un duo d’artistes qui construit avec l’IA et qui en déconstruit le mythe. » Un projet, donc, extrêmement prometteur, pour un prix repensé.

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