Cette œuvre facétieuse n’a décidément pas fini de faire parler d’elle. Constituée d’une simple banane scotchée sur un mur blanc par un morceau de ruban adhésif, Comedian (2019) de l’artiste provocateur italien Maurizio Cattelan (né en 1960) avait fait couler beaucoup d’encre (et causé un fou rire mondial) lorsqu’un collectionneur français l’avait acheté 120 000 dollars, faisant de cette banane le fruit le plus cher au monde. Un record qui s’apprête à être pulvérisé…
La maison de vente Sotheby’s, qui le proposera aux enchères le 20 novembre lors d’une vente d’art contemporain à New York, estime en effet qu’elle devrait atteindre à cette occasion un prix situé entre 1 et 1,5 million de dollars. L’œuvre effectue actuellement une tournée mondiale de trois semaines dans les locaux de Sotheby’s : exposée ce mercredi 30 octobre à Paris jusqu’à 18h au 83 rue du Faubourg Saint-Honoré (après être passée par Londres le 29), elle sera ensuite visible à Milan, Hong Kong, Dubaï, Taipei, Tokyo et Los Angeles, avant de retourner à New York.
La banane de la discorde
Depuis son apparition en 2019, la fameuse banane divise le monde de l’art.
« Cette pièce s’est fait une place parmi les œuvres les plus radicales, de Duchamp à Warhol », justifie Sotheby’s sur son compte Instagram, sous une vidéo promotionnelle théâtrale. « Pour moi, Comedian n’était pas une plaisanterie, mais une réflexion sincère sur ce à quoi nous donnons de la valeur », avait déclaré Cattelan en 2021.
Depuis son apparition en 2019 sur une cimaise du stand de la galerie Perrotin à la foire Art Basel de Miami Beach, la fameuse banane divise le monde de l’art : si certains applaudissent son insolente désinvolture et son comique absurde, beaucoup la voient comme le symbole d’un art contemporain sans queue ni tête, gouverné par le vide, l’imposture et la spéculation… Ainsi que comme l’emblème d’une déconnexion indécente de la réalité, à l’heure où des millions de personnes dans le monde souffrent de la faim.
Plusieurs fois mangé et au cœur d’un procès
Maintes fois parodié sur les réseaux sociaux, ce fruit a également été utilisé par des grévistes et des sans-abri pour dénoncer l’injustice et les inégalités économiques. Dès 2019, il fut dévoré à Art Basel Miami Beach par l’artiste américain d’origine géorgienne David Datuna, à l’occasion d’une performance intitulée Hungry Artist, puis de nouveau englouti en 2023 par un étudiant coréen lors d’une exposition temporaire à Séoul – ce qui n’avait pas prêté à conséquence, la banane en question étant de toute façon (décomposition oblige) remplacée à peu de frais tous les sept jours.
La valeur qui lui est accordée n’est pas liée à sa matérialité mais à l’idée, dont la paternité fait débat. En 2022, Maurizio Cattelan avait en effet dû nier devant la justice avoir plagié l’artiste californien Joe Morford, basé à Miami, qui s’indignait des similitudes (effectivement troublantes) entre Comedian et son œuvre Banana & Orange (2000)… Un procès que l’Italien, qui n’en était pas à sa première bataille juridique, avait finalement gagné.