Bien réels sont ceux qui ont l’art et la manière d’esquiver la communication d’un titre à l’intérêt certain passé le trailer d’annonce dans le simple but de maximiser les surprises et la découverte une fois le produit entre les mains. C’est un choix, d’ailleurs souvent louable, mais on ne peut s’empêcher d’avoir une petite pensée pour les concernés qui ont eu le malheur de s’arrêter à l’officialisation de Gotham Knights, passant ensuite majoritairement au travers des diverses vidéos pour s’attendre au lancement de ce qui aurait pu être la suite de la trilogie Arkham. Car ça n’a absolument rien d’une suite, et à tous les niveaux…
Scénaristiquement déjà, si l’annonce du jeu et les contours de son synopsis aurait pu mener à une séquelle naturelle en se souvenant du final d’Arkham Knight, ce n’est pas du tout le cas. Batman est bien en retrait et c’est peu de le dire, mort après un rude combat mené face à un méchant qu’on ne citera pas (juste parce qu’on ne se souvient plus s’il a été cité durant la com, et ce n’est pas le Joker) et alors que la ténébreuse ville de Gotham est en proie au chaos entre les vilains qui profitent de l’absence de la chauve-souris et la police plus corrompue que jamais, c’est le quatuor des larbins qui tentent de reprendre les choses en main, tous jouables : Robin, Batgirl, Nightwing et Red Hood.
Un peu à l’instar du Arkham Origins des mêmes développeurs (le team de Montréal), le scénario prend des allures de grosse enquête découpée en plusieurs dossiers, pour nous ressortir quelques grands méchants dont l’indispensable Oswald Cobblepot qui sied à merveille avec ce type de contexte, mais les fans s’attristeront devant la pauvreté du casting là où un nouveau départ est l’occasion d’ouvrir les vannes. Peut-être que la Warner souhaite garder du jus pour un Gotham Knights 2 (si 2 il y a, et on a maintenant des doutes sur le sujet), et il faudra se contenter de quelques représentants iconiques à affronter entre des tonnes de combat contre les habituels randoms. On continuera de se dire que le fan-service même abusé aurait pu combler davantage le fait que le scénario n’est pas toujours très intéressant à suivre (certains dossiers sont quand même au-dessus), et que la mise en scène est loin d’avoir la même classe que la trilogie Rocksteady. Problème récurrent dans les titres qui nous laissent le choix du personnage, mais on aura au moins des dialogues qui s’adaptent en fonction.
Si ce n’est peut-être Red Hood d’une certaine façon, aucun des membres de la Bat Team n’a le charisme de celui qui fut le leader, et il faudra donc se tourner vers le système de combat où chacun a ses atouts. Globalement, Robin est davantage porté vers l’infiltration classique tandis que Batgirl dispose de prédispositions au piratage, là où Nightwing fait davantage parler le corps-à-corps via ses compétences acrobatiques, chose que délaisse Red Hood pour la force brute. Bon on ne va pas non plus cacher qu’en fait, les quatre réunissent dans les grandes lignes ce que le « Bat de Gotham » était capable de fournir seul mais ce n’est pas désagréable, surtout que le jeu a la bonne idée de nous laisser changer de personnage à loisir sous condition de revenir au QG, et que tous progressent au même rythme à quelques détails près (comme le déplacement rapide, chacun doit le débloquer).
Pour en revenir à l’introduction, et là où le jeu va décevoir ceux qui ont le moins suivi la campagne marketing, c’est que non seulement il n’y a rien d’un Arkham 4 dans Gotham Knights, mais surtout que bien des points de la progression prennent des allures de jeu à service. Le fameux tabou. Vous savez, ces gros menus avec une tonne d’équipement, de stats, de skins et de craft façon Marvel’s Avengers ? On est en plein dedans et pas seulement là. Dans le fond, Gotham Knights n’est pas un GaaS mais on se demande légitimement si le résultat entre nos mains n’est pas la résultante de ce qui aurait due aller dans ce sens en début de chantier, ou s’il est parfaitement conçu selon la volonté de départ des développeurs, auquel cas c’est maladroit.
Car la redondance est de mise. Sorti des missions principales qui n’ont que de rares moments d’éclat tant l’ensemble semble plus vieillot et moins prenant qu’un Arkham Asylum dans le rythme comme le level-design, la progression tourne à la routine : vous êtes au QG, vous faîtes un peu de craft, vous prenez votre perso et c’est parti pour taper une « ronde », donc une balade dans un Gotham peut agréable à visiter (moto atroce, déplacements lents…) à dégommer quelques gueules pour obtenir des indices, faire des missions annexes qui finissent par toutes se ressembler pour gratter de l’xp et des matériaux, taper des défis à coffre pour la même chose, puis retour au bercail pour recommencer le cycle jusqu’à ce que vous puissiez avancer dans le scénario. On finit également par sélectionner toujours le même perso (donc Nightwing ou Batgirl, au-dessus des deux autres) et à moins d’adhérer à ce principe de montée en puissance old-school, on joue sans trop réfléchir, l’infiltration étant de toute façon rarement récompensée hormis en difficulté max où l’on aime éponger les zones pour éviter de suer non pas face aux nombreux ennemis mais à cause de la caméra pas très optimale.
Encore une fois, il peut y avoir des fans de cette formule « jeux à service sans l’être » où tout ne passe que par la montée en puissance, et ceux-là pourront s’y amuser seul ou en coopération. Le mode 2 joueurs est d’ailleurs bien mis en avant (privé, matchmaking, drop-in drop-out, difficulté qui s’ajuste…) sans jamais être obligatoire dans l’expérience tant la synergie est mise de coté hormis pour quelques trop rares compétences. Non le véritable problème de Gotham Knights en mettant de coté son rendu tout sauf New Gen (très navrant d’ailleurs…), c’est son gameplay. On passe du système ultra carré et rythmé des Arkham devenu un modèle pour de nombreux concurrents à ce qui prend aujourd’hui des allures de bête beat’em all poussiéreux sans la magie des contres qui certes gagne en intérêt au fil du temps (donc le gain de nouvelles compétences) mais qui élimine tout simplement tous les points forts du travail de Rocksteady. Et quel manque de punch…