Belle Époque : ce terme inventé dans les années 1930 désigne en France cette courte période de paix et de prospérité qui s’est étendue de la fin des années 1890 à la veille de la Première Guerre mondiale. Une parenthèse enchantée durant laquelle la Ville Lumière est devennue le lieu de tous les progrès.
Les futurs grands noms de l’art se pressent sur la butte Montmartre, le Tout-Paris s’encanaille dans les cabarets et les guinguettes, les architectes s’autorisent toutes les fantaisies Art nouveau… Pas une minute à perdre : partons à la découverte des vestiges de cette période faste !
Métro Abbesses : tout le monde descend !
Notre voyage dans le temps commence sur la butte Montmartre, plus précisément à la station Abbesses, qui fait partie des 167 accès de métro édifiés par Hector Guimard, pape de l’Art nouveau. Devenues indissociables du paysage parisien de la Belle Époque, ces « libellules », toutes en verre, fonte et lave émaillée, témoignent de l’heureux mariage entre l’industrie et les arts décoratifs. Leurs formes organiques, aux généreuses arabesques, empruntent à l’esthétique développée par le Belge Victor Horta, qui a profondément marqué la vision de Guimard.
Place des Abbesses, 75018 Paris
Se mettre en jambes au moulin de la Galette
Rien de tel qu’un peu de grimpette pour se mettre en jambes. À Montmartre, les seuls édifices capables de rivaliser avec le Sacré Cœur sont bien sûr les moulins, dont il reste aujourd’hui deux beaux vestiges que l’on admire depuis la rue : le Radet et le Blute-fin. C’est à leur pied que se tenait l’un des bals les plus courus de la Belle Époque, le bal Debray (du nom des propriétaires des moulins), rebaptisé en 1895 en « bal du moulin de Galette ». Très populaire, cette guinguette à ciel ouvert a attiré de nombreux artistes, parmi lesquels les danseurs La Goulue et Valentin le Désossé, qui y feront leurs débuts avant d’enflammer les soirées du Moulin-Rouge, mais aussi Renoir, Toulouse-Lautrec, Utrillo… Modèle de prédilection des peintres, le moulin de Galette, qui abrite aujourd’hui un restaurant, est un véritable symbole de la bohème montmartroise.
Faire ses emplettes dans un écrin Art nouveau
Un peu de lèche-vitrines… et d’histoire ! Le 9 mars 1881, un terrible incendie ravage le Printemps, grand magasin inauguré en 1865 et inspiré du fameux Bon Marché. La reconstruction de l’édifice, situé à l’angle de la rue du Havre et de la rue de Provence, est confiée à l’architecte Paul Sédille. Celui-ci opte pour une façade en granit et marbre blanc, ornée de sculptures d’Henri Chapu représentant les quatre saisons, et flanquée de hautes tourelles surmontées de coupoles, aujourd’hui emblématiques de l’enseigne. En 1910 est inauguré un second magasin, sis sur le boulevard Haussmann, conçu par l’architecte René Binet qui reprend le principe des rotondes d’angle, avec encore plus de luxe. Clou du spectacle : une immense coupole en verre, réalisée par le maître verrier Brière, représentant un ciel fleuri… Un éblouissant joyau de l’Art nouveau !
Printemps Haussmann
64 boulevard Haussmann, 75009 Paris
Ripailler au bouillon
Voyager dans le temps, ça creuse. Pour vous sustenter à la sauce Belle Époque, il vous faudra traverser la Seine : direction le bouillon Chartier de Montparnasse ! Ouverte tous les jours de midi à minuit, cette institution, fondée par les frères Chartier en 1903, propose une cuisine à la bonne franquette typique des bouillons parisiens… Le tout, pour ne rien gâcher, dans un cadre exceptionnel emblématique de l’Art nouveau, inscrit aux monuments historiques : immense verrière, miroirs cerclés de boiseries, carreaux de céramiques aux motifs végétaux… Un enchantement ! S’il affiche complet, sachez que de nombreuses alternatives s’offrent à vous, comme le bouillon Racine – un poil plus chic –, le bouillon Pharamond ou encore le bouillon Julien, au somptueux décor également classé. Bon appétit !
59 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Sur la piste des vestiges de l’Expo universelle
Du 15 avril au 12 novembre 1900, tout Paris vibre pour l’Exposition universelle, qui accueille, en 212 jours d’ouverture, 50,8 millions de visiteurs ! Des bords de Seine au Champ-de-Mars en passant par le Trocadéro, la capitale est métamorphosée par les pavillons des quarante pays invités (Italie, Mexique, Cambodge, Serbie…), mais aussi par ceux dédiés aux progrès galopants de l’industrie (comme le flamboyant palais de l’Électricité). Ce à quoi s’ajoutent des attractions dignes d’une fête foraine comme une grande roue, une « maison du rire » et même un « manoir à l’envers » ! De cet événement éphémère demeurent quelques grandioses vestiges, à l’image du pont Alexandre III ou des Grand et Petit Palais.
Se régaler chez Maxim’s
À l’heure du dîner, rendez-vous chic chez Maxim’s. Ce restaurant mythique attire, dès sa fondation en 1893 une clientèle huppée : artistes, courtisanes, têtes couronnées… À l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, il se refait une beauté et se transforme en haut lieu de l’Art nouveau avec ses fresques murales marouflées de Léon Sonnier, ses grands miroirs biseautés, ses ornements végétaux (feuilles, lianes…) en cuivre. À l’étage, un musée présente la collection de Pierre Cardin (dernier propriétaire des lieux) consacrée aux années 1900 – soit quelque 750 pièces de mobilier, textiles et objets d’arts décoratifs ! Il est pour l’instant malheureusement fermé au public.
3 rue Royale, 75008 Paris
S’encanailler au Moulin Rouge
Faut-il encore présenter le Moulin Rouge, cabaret ô combien légendaire situé au pied de la butte Montmartre ? C’est là que s’achève notre itinéraire Belle Époque, entre deux levers de jambe ! Ici se sont illustrées quelques-unes des danseuses les plus célèbres de French cancan (La Goulue, Jane Avril, Grille d’Égout, Nini patte-en-l’air ou la Môme Fromage…). Nombreux sont les artistes à avoir immortalisé les fêtes sensationnelles du cabaret, à commencer par Toulouse-Lautrec, grand habitué des lieux. Pour finir la soirée, direction le Bar à Bulles : la terrasse sur le toit offre une vue imprenable sur le moulin et ses grandes ailes illuminées qui tournoient dans la nuit. Et si vous prend l’envie de poursuivre les festivités jusqu’au petit matin, direction l’ancienne chaufferie du cabaret, convertie en boîte de nuit… À vous les déhanchés à faire pâlir Valentin le Désossé !
82 boulevard de Clichy, 75018 Paris
4 cité Véron, 75018 Paris