Consommation – Avec l’inflation, un vent de panique souffle sur le marché du bio


En perte de vitesse depuis plus d’un an, tout le marché du bio « se grippe » avec la baisse de pouvoir d’achat : les consommateurs se détournent de ces produits aux prix plus élevés et les distributeurs réduisent leur offre, au risque d’inciter les producteurs à jeter l’éponge.

« Quand depuis presque dix ans la croissance est à deux chiffres et tombe d’un coup à zéro, tout le système se grippe », résume Philippe Jaunet, éleveur de vaches laitières du Maine-et-Loire. Son groupement de producteurs, Biolait, baisse la rémunération de ses éleveurs actionnaires. Et dans les fermes, l’écart de prix entre lait bio et lait conventionnel se réduit.

« Le retournement de demande, ça fait mal », tonne-t-il à la veille des Assises de l’agriculture et de l’alimentation biologiques organisées par l’Agence bio, chargée de promouvoir ce mode de production.

Selon le spécialiste de l’analyse de données de consommation IRI, le chiffre d’affaires des produits bio va diminuer pour la deuxième année consécutive, après des années de forte croissance. A fin octobre 2022, la baisse des ventes sur un an s’élève à près de 5 %.

Avec l’inflation galopante en rayons (+ 12 % sur un an en octobre pour l’alimentation), le bio fait les frais des arbitrages des consommateurs, qui se tournent vers des alternatives moins chères.

Moins de produits en rayons

En conséquence, certaines chaînes spécialisées fragiles comme « Bio, Bon, Gourmand » sont en grande difficulté ou ont mis la clé sous la porte, et les supermarchés généralistes sont moins enthousiastes vis-à-vis du bio. S’ils lui « déroulaient le tapis rouge » il y a cinq ans, « aujourd’hui ils n’en veulent plus », constate François Valy, président de la Fédération nationale porcine (FNP).

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Exemple : peu après son arrivée aux commandes de Carrefour en 2018, Alexandre Bompard voulait faire du groupe le « leader de la démocratisation du bio ». Quatre ans plus tard, les attentes « en matière d’alimentation saine évoluent, dépassent le bio et s’étendent désormais aux circuits courts, à l’approvisionnement local et aux produits d’agriculture durable », prévenait Carrefour en présentant en novembre son plan stratégique à cinq ans.

La semaine dernière, plusieurs organisations de promotion du bio ont reproché aux grandes surfaces de « se désengager » en déréférençant leurs produits à « un rythme très rapide ».

Cela « ne fait que traduire une baisse très forte de la demande des consommateurs, qui se réfugient plutôt vers les premiers prix », répond à l’AFP Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération patronale du Commerce et de la Distribution (FCD).

Les spécialistes du bio regrettent aussi un amalgame avec d’autres labels, Haute valeur environnementale (HVE) ou Zéro résidus de pesticides, dont le cahier des charges est moins exigeant. Un « fourre-tout » en rayon qui suscite de la confusion chez les consommateurs, estime Guillaume Hannebicque, directeur des marques alimentaires chez Léa Nature.

Production « locale » ? « La vache est peut-être d’ici mais nourrie avec du soja du Brésil », ironise Eric Guihery, éleveur laitier en Mayenne et membre de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Lui veut croire que la crise est « conjoncturelle » et que « les consommateurs vont revenir à la raison ».

Pas d’abandon de production

Dans le cas contraire, certaines des 56 000 fermes bio en France pourraient se résoudre à abandonner ce mode de production, même si pour l’instant l’Agence bio compte toujours plus de nouveaux entrants que de départs – sauf pour la filière du porc.

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Pour soutenir la filière et relancer la demande, la Fnab et la Confédération paysanne réclament des « aides d’urgence » au ministère de l’agriculture.

Philippe Camburet, président de la Fnab, se demande toutefois « si l’Etat n’est pas en train d’abandonner l’affaire », malgré l’objectif de la France d’atteindre 18 % de surfaces agricoles en bio en 2027 (elle était à 10,3 % en 2021), formulé dans sa déclinaison de la Politique agricole commune (Pac) 2023-27 de l’Union européenne.

La réaction du ministère de l’agriculture à ce sujet sera très attendue par les professionnels lors des Assises mardi.



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