Comme les Etats, les grandes entreprises mondiales passent par des vagues successives de centralisation et de décentralisation, avec de fortes conséquences sur le marketing et la communication. Aujourd’hui, les sociétés souhaitant se développer à l’international ne savent plus quelle stratégie marketing adopter. Fort d’une vingtaine d’années de réflexion sur le « glocal », je propose ici des pistes de réflexion.
Trouver le bon équilibre entre efficacité et proximité
Dans les années 1990, les grandes entreprises implantées partout dans le monde laissaient leurs responsables marketing libres de faire ce qu’ils voulaient dans leurs filiales. Certes, l’approche n’était pas très coordonnée mais elle avait l’avantage d’être au plus près des clients. Avec l’avènement d’Internet, tout s’est centralisé : stratégie globale, communication externe, système de gestion de contenu, etc. Alors, que faire ? Quel est le meilleur choix entre marketing centralisé et décentralisé ? Le débat ne date pas d’hier mais les nouvelles règlementations et tendances de consommation changent sensiblement la donne.
Plutôt que de changer de cap brutalement, bien définir en amont ce qui vaut la peine d’être centralisé et ce qu’il vaut mieux garder au niveau local requiert de prendre en compte quelques facteurs importants.
3 facteurs essentiels de décision
Dans notre économie mondialisée, les différences culturelles persistent.
Selon une étude Pegasystème de 2018, 72% des Français préfèrent interagir avec un humain. En Italie, cette préférence est encore plus marquée. Hormis Amazon, il n’y a pas de grand acteur de la vente en ligne directe en Italie. De plus, le paysage des entreprises BtoB y est complètement différent. On y trouve davantage de PME de taille intermédiaire qu’en France. Dans ce contexte multiculturel, difficile de remporter l’adhésion des équipes de vente locales en imposant une façon unique de faire du marketing dans toute l’Europe du Sud !
Les tendances de consommation changent
Comme les consommateurs, les entreprises françaises sont de plus en plus soucieuses de leur impact environnemental. Par exemple, selon une étude menée par SpokingPolls fin 2018, 77% des DSI et DAF interrogés estiment que leur entreprise est désormais prête à acheter du matériel technologique reconditionné.
Les réglementations régionales et nationales se multiplient
Le RGPD a considérablement changé la donne depuis son application en mai 2018. Un contrôle accru des données est exigé de chaque entreprise. On ne peut plus mener une campagne marketing de la même manière aux Etats-Unis et en Europe. En France, il est désormais interdit de prospecter par email sur des bases externes sans un consentement préalable du client. En Allemagne, la réglementation est encore plus drastique.
Par ailleurs, le projet de loi Anti-gaspillage et économie circulaire devrait aussi avoir un impact considérable et faire de la France un pays pionnier : mise en place d’indices de réparabilité, éco-conception avec l’intégration de plastiques recyclés, éco-modulation en fonction de la disponibilité des pièces détachées, etc.
De fait, l’impact global d’une entreprise ne peut être décuplé que s’il laisse de la flexibilité en local pour s‘adapter. Trop centraliser les campagnes marketing Channel et end-user, c’est risquer une perte de l’alignement avec les forces de ventes sur le terrain qui, elles-mêmes, doivent respecter les différences culturelles, les tendances évolutives de consommation et les règlementations en vigueur dans chaque territoire.
Voici, à mon avis, comment procéder au mieux :
Ce qu’il faut centraliser
- La stratégie marketing
- Les outils de base automatisés (CMS)
- Les contenus communs
Ce qu’il faut décentraliser
- L’adaptation des campagnes marketing
- La prospection
- Des contenus spécifiques à chaque pays / région
D’où la figure providentielle du Field Marketeur.
La montée du Field Marketing
Le Field Marketing occupe une place stratégique en tant qu’interface entre le siège et les forces de vente sur le terrain. On demande au Field Marketeur moins de capacité créative mais davantage d’adaptation. Il ou elle doit avoir une connaissance fine de la région dans laquelle il/elle opère et de la stratégie globale définie par le siège de son entreprise afin de servir de maillon essentiel avec les ventes. On lui demande notamment de définir une segmentation du marché dont il/elle a la responsabilité, de planifier et mettre en œuvre des activités proposées en choisissant les plus appropriées et de faire remonter de précieuses informations sur les tendances locales.
En conclusion, monter une structure marketing internationale réussie demande un mix subtil d’activités centralisées et décentralisées, avec des Field Marketeurs autonomes dans chaque pays pour adapter les campagnes au contexte local afin d’obtenir l’adhésion des forces de ventes, indispensables à la réussite de l’entreprise.
Auteur : Etienne Maraval, Directeur Marketing de Lexmark Europe su Sud, et Vice-Président du CMIT
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