1. Un Van Gogh « manifeste »
En 1887, Vincent Van Gogh (1853–1890) rejoint son frère Théo (1857–1891) à Paris. Là, il fréquente Paul Signac et Georges Seurat qui l’incitent à utiliser la couleur tout droit sortie du tube. La rapidité accrue de son trait le rapproche alors de Toulouse-Lautrec. Edgar Degas lui inspire des cadrages photographiques… Autant d’influences qui se ressentent dans Scène de rue à Montmartre, mise en vente aujourd’hui même chez Sotheby’s (le 25 mars). Cette huile sur toile, répertoriée dans le catalogue raisonné du peintre hollandais, Fabien Mirabaud et Claudia Mercier sont tombés dessus, il y a un moins d’un an, chez les descendants de son premier acquéreur, dont elle occupait les bureaux depuis 1920. « Immobilité qui explique son état de conservation exceptionnel », déclare le premier. « Sans compter que Théo fournissait des matériaux de grande qualité à Vincent. » Hommage de ce dernier à son cadet ? Pour peindre le Moulin à Poivre, l’artiste aurait planté son chevalet dans l’impasse des Deux Frères. « C’est vraiment une toile manifeste, d’une grande vertu pédagogique. Elle permet de comprendre d’où vient Van Gogh, et où il va », conclut Fabien Mirabaud. Estimée entre 5 et 8 millions d’euros, l’œuvre a finalement été adjugée 13,090 millions d’euros (avec les frais).
2. Des Odilon Redon à l’abandon
Paris 1910. Louis-Charles Libaude (1869–1922) ouvre une galerie d’art avenue Trudaine. Premier acheteur de Pablo Picasso, cet ancien commissaire-priseur décide d’organiser deux ventes à l’Hôtel Drouot, en 1918 et en 1920. Dans les catalogues correspondants figurent deux fusains, La Fleur humaine rebaptisée L’Œil, ou la Chimère (80 000–120 000 euros), Le Faune (30 000–50 000 euros), et une huile sur toile intitulée Le Prophète (40 000–60 000 euros). Après une éclipse de cent ans, ces trois œuvres font leur grand retour à Drouot, dans le cadre d’une vente prévue le 26 mai. Ironie du sort… On doit leur découverte à Eric Beaussant, lors d’un inventaire mené, en juillet 2017, dans la maison inoccupée d’une descendante de Libaude. Les dessins se trouvaient au grenier, avec un inédit, La Grappe, ou le marchand de ballons (80 000–120 000 euros). En novembre 2020, le commissaire-priseur descend pour la première fois à la cave, et tombe nez à nez avec une trentaine de tableaux encrassés, dont la toile de Redon, nettoyée depuis. « Une histoire extraordinaire qui compte déjà parmi les meilleurs souvenirs de ma carrière ! »
3. Un Henri Martin plein d’éclat
Né à Toulouse en 1860, Henri Martin (mort en 1943) est qualifié aujourd’hui de post-impressionniste. En 1920, ses amis et voisins, le Docteur Henri Tissier et son épouse Alice, lui commandent, pour leur salle à manger, Les Vendanges. Afin de réaliser ce panneau décoratif, le peintre s’inspire de l’intérieur du couple, réalisé par deux autres Henri, Bouchard et Bellery-Desfontaines. L’œuvre qui n’a jamais quitté son écrin d’origine se retrouve pour la toute première fois sur le marché de l’art, grâce au petit-fils des Tissier qui a décidé de s’en séparer. « Nous avons été subjugués par la fraîcheur des couleurs », insiste Victoire Gineste, commissaire-priseur chargée de l’inventaire. Après un léger nettoyage qui n’a fait que renforcer son éclat déjà visible, cette pièce inédite passera en vente chez Christie’s le 14 avril. Prix de départ : 200 000–300 000 euros.
4. Deux Soulages inattendus
Ce n’est pas parce qu’il est encore en vie (à 101 ans !) qu’il échappe aux redécouvertes. Deux tableaux de Pierre Soulages (né en 1919), maître absolu du noir, viennent de refaire surface. Le premier fut acheté à l’artiste en 1956, par le poète et futur Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, et adjugé 1,5 million d’euros (frais compris) chez Caen Enchères, le 23 janvier dernier. Le second sera dévoilé le 8 mai prochain, à l’Hôtel des Ventes de Montpellier. Il s’agit d’une peinture de 1975 découverte dans une collection privée locale par le commissaire-priseur Bertrand de Latour. Estimée entre 500 000 et 800 000 euros, cette huile sur toile figure dans le catalogue raisonné de Pierre Encrevé, entre des « brous de noix », colorant dont l’artiste appréciait la fluidité à ses débuts, et les « outrenoirs » des années 1980, grands aplats qui jouent avec la lumière.
5. Un Frago de derrière les fagots
Imaginez : vous voilà dans le salon d’un appartement bourgeois, dans la Marne, à l’occasion d’un inventaire de succession. Votre regard s’arrête sur la figure d’un vieillard au front intelligent, absorbé par la lecture d’un manuscrit. Ce tableau, vos hôtes en ignorent la paternité, la provenance. Vous la décrochez, la retournez pour découvrir, au dos, une inscription… le nom de l’artiste Jean-Honoré « Fragonard » (1732–1806). C’est ce qui est arrivé, en tout début d’année, à Antoine Petit. Et le commissaire-priseur de confier sans attendre sa trouvaille à Stéphane Pinta du Cabinet Turquin, avec qui il collabore depuis près de trente ans. L’expert date ce Philosophe lisant, disparu de la circulation depuis 1779, des années 1768–1770, « période la plus virtuose de l’artiste ». En 1960, le célèbre marchand et historien de l’art Georges Wildenstein le rapprochait déjà d’une toile conservée au Kunsthalle de Hambourg. La maison Enchères Champagne d’Épernay en assurera la vente, le samedi 26 juin prochain. Estimation : 1,5–2 millions d’euros.